Le Brouillon




Résumé :

Mars est à portée de fusée. Les Terriens commencent à coloniser Mars, apportant villes, noms, maladies avec eux. C’est l’histoire de tranches de vie, comme cet homme qui seul demeuré sur Mars, cherche l’âme sœur par téléphone interposé, mais qui préfère retourner à la solitude plutôt que d’affronter la différence entre la réalité (la jeune femme rencontrée n’est pas un top model...) et les fantasmes de l’imagination... Ou comme cette rencontre improbable au beau milieu de la nuit d’un homme avec un martien, où chacun essaie de convaincre l’autre que SA civilisation est toujours vivante, et que l’autre n’est qu’une illusion...



Ce livre est magique. Parce qu’il raconte, en définitive, la gangrène de la colonisation et les désastres engendrés. Parce qu’il essaie de définir l’humanité : qu’est-ce que l’humanité ? Une sphère de lumière douée d’intelligence est-elle humaine ? Quelle est la part d’inhumain dans l’humanité ?


La foule de thèmes abordés, de manière simple et concise, voire de manière « chirurgicale », permettant de pousser soi-même le raisonnement, est impressionnante :

Le fanatisme religieux peut-il traverser les millions de kilomètres ? Peut-on aller traquer les péchés sur Mars ?
Si l’on donnait une planète « neuve » aux humains, feraient-ils mieux ?
Peut-on, par amour, quitter sa vie et sa planète ?
L’attachement, le patriotisme, existent-ils lorsqu’on est exilé à des millions de kilomètres ?

Ce livre raconte l’anéantissement de la civilisation martienne par le « rouleau compresseur » terrien ; le choc des deux cultures, radicalement opposées, l’incompréhension entre ces deux mêmes cultures, la colonisation aveugle, qui occulte tout ce qui existait avant son arrivée, au sens propre comme au figuré, la tendance des humains à s’approprier tout...


Même si l’aspect saccadé, disloqué du roman peut perturber, on comprend au final que Bradbury nous offre un panorama de la colonisation de Mars, en prenant quelques fragments de vies, à certains moments-clés ; C’est le regard sur une époque, un condensé d’histoire.

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Extrait 1 :

« J’ai rêvé d’un homme.
- Un homme ?
- Grand. Un bon mètre quatre-vingt-cinq.
- Ridicule. Un géant, un géant difforme.
- D’une certaine façon… » Elle cherchait ses mots. « …il avait l’air normal. Malgré sa taille. Et il avait… oh, je sais que tu vas trouver ça idiot… il avait les yeux bleus ! »
- Les yeux bleus ! Grands dieux ! s’écria Mr K. Qu’est-ce que tu vas rêver la prochaine fois ? Je suppose qu’il avait des cheveux noirs ?
- Comment tu as deviné ? Elle était surexcitée.
« J’ai pris la couleur la plus invraisemblable, répliqua-t-il froidement.
- Eh bien oui, ils étaient noirs ! s’exclama-t-elle. Et il avait la peau très blanche ; pour ça, il sortait vraiment de l’ordinaire ! Il portait un uniforme étrange, il descendait du ciel et me parlait aimablement. » Elle sourit.»



Extrait 2

« Regardez les enfants. » Maman tendit un long bras souple. « Une ville morte ».
Ils ouvrirent des yeux brillants d’excitation. La cité morte gisait là pour eux seuls, assoupie dans le silence torride d’un été fabriqué par quelque Mr Météo Martien.
Et papa avait l’air content qu’elle soit morte.
C’était une étendue insignifiante de pierres roses endormies sur une butte de sable ; quelques colonnes renversées, un sanctuaire isolé, et de nouveau, à perte de vue, le sable. Rien d’autre sur des kilomètres. Un désert blanc de chaque côté du canal et un désert bleu au-dessus.
Juste à ce moment, un oiseau s’envola. Comme une pierre lancée dans un étang d’azur, touchant la surface, s’enfonçant et disparaissant.
Papa eut une expression apeurée en le voyant. « J’ai cru que c’était une fusée.»
Timothy leva les yeux vers l’océan profond du ciel, essayant d‘apercevoir la Terre, la guerre, les villes en ruines, les hommes qui s’entretuaient depuis sa naissance. Mais il ne vit rien. La guerre était aussi lointaine et invisible que deux mouches se battant à mort sur la voûte d’une vaste cathédrale silencieuse. Et aussi absurde.»



©Les chroniques martiennes, Ray Bradbury, édition folio SF.


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De Bradbury, on connaît surtout Fahrenheit 451, livre culte. Moins souvent on cite les Chroniques Martiennes, pourtant fantastique… Un mélange de poésie, de philosophie, de fantastique, une œuvre aboutie dans tous ses aspects. A lire absolument.


Le plus
: la poésie du livre, la diversité des thèmes abordés, la magie de l’écriture ;

Le moins : l’aspect saccadé du récit, au début perturbant. Attention, ce n’est pas un roman à proprement parler, mais serait plutôt à considérer comme un recueil de nouvelles, ayant tout de même une continuité.


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~Melaquablue~ le 27-12-2008 à 19:16
 
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