Loi salique

Une histoire de succession...


La loi salique, comme on le sait, est une loi coutumière qui règle la succession des rois de France. On peut l'énoncer comme suit : le royaume de France est transmis de mâle en mâle par ordre de primogéniture. Le terme salique vient des francs saliens : dans leur code mérovingien rédigé par Clovis, la succession est réglée dans l'article 62 qui dit "la terre salique ne peut revenir qu'au sexe mâle".

Entre l'énoncé de Clovis et la loi salique que l'on connaît, l'évolution est grande et la filiation n'est pas si évidente que ça !

Concernant la loi d'origine, 2 problèmes :

  • Qu'est-ce que la terre salique ?
  • Cette loi est une loi de droit privé, tandis que la loi moderne est de droit public.

Pendant longtemps, la loi salique est restée dans l'oubli : pendant toute la dynastie mérovingienne et carolingienne, cette loi resta lettre morte, car le problème de succession ne s'était pas vraiment posé.

A partir d'Hugues Capet, la lignée mâle se succède sans problème jusqu'en 1316. C'est alors que Louis X, dit le Hutin, meurt sans héritier.

Il a bien une fille, et sa femme est enceinte, mais que se passe-t-il si c'est une fille qui naît ? Je passe rapidement sur les intrigues des frères de Louis X ; ils parviennent toutefois à obtenir l'exclusion DE PRINCIPE des deux filles (sans évoquer la loi salique). A ce moment-là, il s'agit avant tout de gagner du temps. Le bébé naît, et par chance c'est un garçon ! Hélas le bébé meurt quelques jours plus tard...

Le frère de Louis X, Philippe de Poitiers, se fait couronner, sous le nom de Philippe V. Evidemment, la fille de Louis X n'est pas d'accord, car elle prétend à la couronne.

Les trois ordres se réunissent pour décider, et une solution est avancée : Philippe est plus proche de Saint Louis que Jeanne.... La guerre est proche, et Jeanne de Bourgogne ne peut pas gagner car trop faible. Elle signe un traité où elle reconnaît qu'elle n'a pas le droit à la succession.

C'est historique : c'est la première fois que les femmes sont exclues de la succession.

Deuxième problème de succession : Charles VI n'a que des filles ET il n'a pas de frère. Deux concurrents : Philippe de Valois et Edouard d'Angleterre. La question est très politique et elle aboutira en fin de compte à la Guerre de Cent Ans.

Comme les gens du Conseil sont liés à Philippe de Valois, c'est donc lui l'heureux élu. La manière de régler le problème est de dire que la femme ne peut pas faire "pont et planche d'une couronne qu'elle ne peut pas porter" (comme elle ne peut pas hériter de la couronnne, elle ne peut pas la transmettre). Tout cela ne constitue pas encore une argumentation solide ni une loi coutumière ; et l'on n'a toujours pas entendu parler de la loi salique.

Au milieu du XIVe siècle, sous Charles V et VI, la loi salique est enfin exhumée pour devenir la première loi de référence (cela dans le but de démontrer à l'Europe que les prétentions anglaises sont fausses).

Au XVe siècle, des discours sont prononcés sur la loi salique : c'est le début de la sacralisation de la loi salique (elle est encore fragile, peu imprimée dans les esprits, il faut la renforcer).

Au XVIe siècle, la loi est établie et sacralisée et elle est rattachée plus clairement à l'ordre de Dieu.

En 1589 : mort d'Henri III, les opposants proposent les de Guise et la succession de l'infante d'Espagne. Les partisans du futur Henri IV se déchaînent sur la loi salique, on la fait même remonter jusqu'à Pharamond (1er roi de France...). On argumente sur la nature de la femme (faible inconstante...).

D'où la nouvelle évolution de la loi salique : l'exclusion politique des femmes est posée.

A partir de ce moment-là, la loi salique est établie, la couronne de France se transmet donc de mâle en mâle, par ordre de primogéniture.

 
 
~jamesB~ Publié le : 01/10/2006

 

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Juste une petite précision : autant que je me souvienne de mes cours d'histoire du droit.
La loi salique n'est pas seulement basée sur les problèmes d'héritage. C'était une sorte de code pénal qui avait pour base des compositions pécuniaires en cas d'infraction à une règle. Elle relève donc d'une logique pénale, mais aussi privatiste dans le sens où l'indemnisation de la victime prime sur la peine publique. On peut voir dans la loi salique la volonté par la loi de mettre un terme à la vengeance privée.

Autre point, pendant tout l'Ancien Régime, les rois de France ne sont pas beaucoup intervenus dans le droit privé qui était bien établi dans ces provinces, soit sous forme de coutume, soit sous forme écrite dans le sud.

Et enfin dernier point, le roi de France se désigne comme un princeps, le premier en latin, il reste d'une certaine manière égal à tous. Seules ses fonctions royales l'autorise à être le premier.


~misterjul125~

 

Je suis une historienne, mon approche a donc été purement historique.
Ce que je voulais avant tout montrer, c'est l'utilisation purement stratégique et utilitariste des rois concernant la succession royale et le royaume. La vision que tu développes ici, je ne l'ai pas vue, je ne pouvais donc pas la développer.
Mais après avoir consulté une amie qui est en droit, et après avoir lu le passage concernant le droit salique dans "histoire des institutions de l'époque franque à la Révolution" de Harouel Bournazel et Thibaut-Payen, on peut dire que :

  • La loi salique est la mise par écrit (en latin) des règles coutumières élaborées par les Francs au cours de leur passé. C'est surtout du droit pénal comme l'a dit misterjull125 et donc du droit privé (comme je l'ai signalé dans mon article);
  • Le droit barbare est surtout un droit à la vengeance (faida) et la loi salique établit en fait toute une grille de tarifs (selon ce qu'on reproche, les fautifs paient une certaine somme pour éviter la vengeance); la loi salique établit une fois pour toute ces tarifs, évitant ainsi à l'avenir les discussions stériles qui pouvaient s'envenimer rapidement.

Exemple: "Si quelqu'un a volé un petit cochon de lait et que cela fût prouvé contre lui, qu'il soit jugé coupable de 120 deniers qui font trois sous" (un tiers de cette somme est théoriquement versée au roi).
Je ne vais pas développer plus, mais ce serait intéressant d'écrire un article qui développe l'aspect pénal de la loi salique, afin de bien montré son utilisation à l'origine, et la reprise et son adaptation (d'une partie de la loi) concernant la succession royale.


~jamesB~

 

Le plus saugrenu dans cette loi salique est la guerre de succession de Bretagne qui fut un " conflit périphérique " de la guerre de Cent Ans, de 1341 à 1364, suite à la mort sans héritiers du duc Jean III de Bretagne (avril 1341) :

* Les rois de France, Philippe VI, puis Jean II le Bon, ont soutenu Charles de Blois qui tient le duché de sa femme Jeanne de Penthièvre, nièce de Jean III ;
* Le roi d'Angleterre Édouard III, quant à lui, soutient Jean de Montfort, demi-frère du duc défunt.


~maestro~

 

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