Analyse crédit et crise financière

Les quatre question principales que se pose un banquier avant d'octroyer un crédit sont : je prête à qui ? Pour faire quoi ? Comment je me protège ? Et combien je gagne ?





Analyse crédit


Qui ?

Qui est l'emprunteur ? Est-il déjà client chez nous ? Si oui, depuis combien de temps et combien d'argent gagnons-nous avec lui ? A-t-il eu un mouvement de liquidités suffisant l'année passée ? Est-il client chez une autre banque ? A-t-il des crédits chez nous ? Et ailleurs? A-t-il toujours bien remboursé ses crédits ? A-t-il une épargne chez nous ? Et ailleurs ? Quelle est la situation financière de l'emprunteur, ses actifs et ses passifs ? Un scoring des éléments ci-avant permet-il de déterminer à quelle catégorie de risque appartient l'emprunteur (Bâle II)?


Quoi ?

A quoi l'emprunteur va-t-il affecter le crédit qu'il nous demande ? Si c'est une maison, quelle est sa valeur vénale et en vente forcée ? Si c'est pour un prêt professionnel, quelle est la destination de l'investissement qu'il veut réaliser et quelle est la rentabilité attendue ? La rentabilité est-elle suffisante pour nous rembourser ? Quelle est la capacité de remboursement ?


Comment ?

Comment va-t-on réaliser ce crédit ? Quelles sont les garanties qu'on devrait demander pour sécuriser le crédit et réduire notre position de risque au minimum ?


Combien ?

Quel taux pouvons-nous proposer au client et quelle marge bénéficiaire prendrons-nous sur ce crédit ?


Crise financière vécue de l'intérieur - témoignage

Mon expérience d'analyste crédit, je la dois à une banque qui m'avait embauché juste avant la crise financière du 15 septembre 2008 et qui m'a licencié 6 mois plus tard...

L'origine de la crise financière mondiale, rappelons-le, était la méfiance entre les banques notamment suite à la faillite de l'une d'entre elles aux Etats-Unis.

Le déclencheur de la crise a donc bien a été la faillite de la banque d'affaires américaine Lehman Brothers. Cet évènement a au moins eu le mérite de crever l'abcès. Grâce à la déconfiture des Frères Lehman, le monde entier a été mis au courant de l'existence des produits financiers toxiques: les CDO (Collateralised Debt Obligation).

Les CDO, c'est du papier commercial de très mauvaise qualité. Ils représentent des milliards de créances qui ne valent plus rien puisque les emprunteurs sont en défaut de paiement et complètement insolvable. Les CDO ont été mélangés, par les financiers, à d'autres produits d'investissement pour in fine constituer des fonds de placements hautement spéculatifs. Ils ont été distribués via des hedge funds localisés dans des paradis fiscaux. Ces hedge funds sont donc incontrôlables et surtout insolvables... Tout ceci a entraîné la défiance des investisseurs et le phénomène du "fly to quality".

La principale conséquence immédiate de la crise financière pour les établissements de crédit était la difficulté de lever des fonds sur le marché interbancaire. En effet, la banque prêteuse ignore combien la banque emprunteuse possède de CDO en portefeuille et donc son degré de solvabilité. Problème de taille : le marché interbancaire est la principale source de financement des banques.

Dès le début de la crise, la consigne générale aux agences et aux analystes crédit était d'être plus restrictif sur la sélection des risques vu les difficultés de financement sur le marché interbancaire, la crise économique, la déflation et la baisse de l'immobilier. En gros, on devait réduire la quantité de crédits accordés et en augmenter la qualité (fly to quality). Ceci signifie de ne prêter qu'aux bons clients existants qui méritent presque d'emblée notre confiance grâce aux solides garanties qu'ils nous offrent.

Parallèlement, on devait augmenter nos marges bénéficiaires (et donc les taux proposés aux clients) pour compenser la baisse des volumes de crédits octroyés tels que décidé par les hautes sphères de la banque.

Nous élevions nos taux afin d'augmenter nos marges alors même que la banque centrale européenne diminuait ses taux directeurs pour justement induire la baisse des taux d'intérêt et relancer l'économie. Pendant ce temps, les Etats intervenaient à coup de cautionnements et de milliards d'euros en faveur des banques.

"La finance est quelque chose de beaucoup trop sérieux pour la laisser aux seules mains des banquiers."

 
 
~san_taj~
Publié le : 05/02/2010

 

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Conclusions :

  • on ne prête qu'aux riches (on le savait déjà).
  • Il est préférable d'accumuler une épargne, même si c'est plus long, que de demander un crédit. La banque s'enrichit sur votre crédit, et vous rémunère si peu sur l'épargne... Quoiqu'il en soit, il vaut mieux vivre sans crédit, dans la mesure du possible.
  • Les banques n'ont pas retenu les leçons de la crise puisque cela repart de plus belle. Les paradis fiscaux n'ont pas été supprimé, tout juste ont-ils frissonné. Les bénéfices records recommencent.
  • On se fout bien de notre gueule.

Cf se référer à l'article "Création monétaire".


~Melaquablue~ le 05-02-2010 à 11:00
 

Observation en tant qu'actuaire;
La crise financière n'est pas due à la faillite de Lehman Brothers, cette dernière est la conséquence de la crise.
La crise est due aux papiers commerciaux hypothécaires. Les papiers commerciaux représentaient des milliers de créances hypothécaires faites par une banque (ou des banques). Jusque là aucun problème, mais où il commence c'est dans la combinaison du stratagème suivant et d'un manque de régularisation.

Le stratagème
:
Lorsque quelqu'un prend un prêt hypothécaire (disons de 300 000 pour l'exemple) à la banque X on lui donne une cote de risque (disons A pour l'exemple) avec un taux d'intérêt qui lui correspond (disons 5% pour l'exemple).
Après, la banque sectionne le prêt hypothécaire en plusieurs parties soit :
les premiers 100k$ avec une cote A à 3% (comme il s'agit des premiers 100k il y a donc moins de risque puisque celui qui doit rembourser payera d'abord les "premiers" $)
les 100k suivants avec une cote A- à 4%
les 100k suivants avec cote B+ a 4,5%
les 100k suivants avec cote B a 5%.

Après la banque X se retourne vers une autre banque, ou habituellement des fonds d'investissement en leur disant : Voilà j’ai une créance hypothécaire à vous vendre" et elle vend chacune des parties à différentes banques ou fonds d'investissement.

Si vous avez bien remarqué la moyenne des côtes et % est inférieure à celle que la banque à la base a considéré et ça c'est le manque de régulation aux USA qui a permis aux banques de surévaluer leur créance en terme de qualité et en plus, comme elle a vendu la totalité de la créance à d’autres entités elle n'assume donc plus aucun risque ce qui l'encourage à accepter n'importe quelle créance hypothécaire pour se faire la petite marge de % en revendant la créance à d’autre après.
Ce qui fait qu'aux USA il y a eu autant de saisies immobilières, parce que les gens avaient des maisons alors qu’ils n’auraient jamais dû en avoir, mais la banque leur a prêté pareil puisqu'elle revendait le risque à d’autre après.
Bref, quand certains ont évidemment été incapables de payer leur hypothèque tout s'est écroulé, parce que le % de mauvaise créance dépassait les liquidités des fonds d'investissement (qui avaient cru avoir de bonnes créances, à tort, et n'avaient donc pas prévu de réserves suffisantes pour mauvaises créances)... Et qu’est-ce qui arrive quand tu n'as plus d’argent... ben tu fais faillite et c'est ce que les banques et/ou fonds d'investissement ont fait ; ou sinon ont emprunté en masse au gouvernement pour avoir les liquidités nécessaires temporairement.

Pour finir, non il n'est pas toujours mauvais de s'endetter surtout lorsqu'il s'agit d'une dette dite productive comme une hypothèque. Puisque vous payez déjà un loyer... autant le remplacer par une hypothèque ou vous payerez de l'intérêt mais aussi une part de capital qui sera à vous !


~Wivern~ le 17-03-2011 à 16:06
 
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