Approches satiriques et parodiques de la Bible

Comment, avec la remise en question de la religion et du christianisme en particulier, des hommes se sont moqués de la Bible...


Avant tout, je préviens les croyants : cet article vise à rapporter une manière de voir les choses, une histoire des mentalités. Ce n'est pas à prendre contre vous, je ne fais que raconter et expliquer comment s'est exprimée la remise en question de la religion et la désacralisation de la Bible au XVIII-XIXème siècle.

Les premières critiques organisées et systématisées contre la Bible remontent au XVIIème siècle, mais ce sont avant tout des critiques sérieuses, qui ne visent pas à la parodie ou à la satire.

Il faut attendre Voltaire pour passer à des attaques humoristiques.

Harrel dit de lui : " Voltaire avait un funeste talent de donner un tour ridicule aux choses les plus sérieuses et les plus sacrées ".
Il faut rappeler que Voltaire n'est pas chrétien mais plutôt déiste. Mais surtout, il n'est pas athée !
Il organise sa critique par le biais de commentaires qui sont faussement respectueux (mais en fait très sarcastiques), des questions faussement naïves, des impertinences... On remarque également qu'il a un point de vue très anti-juif : il en fait une "peuplade crasseuse, arriérée, cupide, bizarre... " Et il souligne le fait que Jésus est issu de ce peuple (par moments, tandis qu'à d'autres il appelle Jésus " le Sage ").
Voltaire a été tellement prolifique, et a écrit avec tant d'esprit, que les critiques suivantes des anticléricaux s'en inspirent énormément.

Voici en exemple une de ses critiques :
À propos d'Ézéchiel 4, 12 qui dit : " Tu boiras de l'eau par quantité mesurée... tu feras des gâteaux d'orge sous leurs [le peuple d'Israël] yeux avec des tourteaux d'excrément " ; dans la traduction du XVIIème siècle, on comprend qu'Ézéchiel fait sa cuisine... avec des excréments (en fait on sait maintenant que ces excréments étaient séchés et servaient de combustible). Voltaire évidemment ne pouvait pas passer à côté. Il dit " Dieu lui ordonne de manger du pain d'orge cuit avec de la merde. "

Il dénonçait également les contradictions des évangiles et les choses invraisemblables. MAIS IL NE REMETTAIT PAS EN CAUSE L'HISTORICITE DE JESUS. Pour lui c'est un bâtard car il ne croit pas à la paternité divine. Mais ce qui lui faisait le plus horreur était la divinisation de Jésus.

Après Voltaire, nous avons Charles Antoine Guillaume Pigault de l'Epinet, plus connu sous le nom d'auteur Pigault Lebrun (1753-1835). C'est un auteur de roman et de théâtre dont certaines pièces sont très licencieuses. En 1803, il publie une Bible parodique intitulée Le Citateur dont le but est " de courir les contradictions et les niaiseries et agiter le grelot de la Bible ".

On relève entre autres :

  • Sarah : devient la patronne de toutes les femmes faciles (son mari, arrivé en Égypte l'a fait passer pour sa sœur, du coup le pharaon se rapproche d'elle et même plus) ;
  • Le Cantique des Cantiques n'est pas pour lui la métaphore de l'amour de Dieu pour Israël, mais bien la rencontre réelle entre une jeune fille et un jeune homme ;
  • À propos de la Conception : " mais Dieu qui ne hait pas certaines confitures trouva plaisant de coloquer son fils entre les intestins et quelque chose de pis... "
Cet ouvrage est réédité à de nombreuses reprises jusqu'en 1911 puis même 1978, à chaque période de troubles politiques et d'anticléricalisme.

Le XIXème siècle est le siècle des études sérieuses sur Jésus (Ernest Renan) mais également des revendications anticléricales qui sont de plus en plus fortes et qui imprègnent la politique. D'où la prolifération de journaux anticléricaux, qui ont tous une rubrique consacrée à la critique de la Bible ; l'influence de Voltaire est flagrante, même si ces nouvelles critiques n'ont souvent pas sa finesse d'esprit.
Ex : le 4 juin 1881 dans le journal l'Anticlérical, on dit, à propos de l'Ecclésiaste qu'il " fait partie de l'immense saloperie appelée la Bible. "

Ce sont toujours les mêmes questions qui reviennent : Comment Dieu peut-il créer la lumière avant le Soleil ? Comment les auteurs inspirés peuvent faire preuve d'autant d'ignorance en matière d'astronomie, de physique, de Biologie, d'anatomie... ? Comment des hommes choisis par Dieu peuvent-ils prostituer leurs femmes, commettre des incestes, avoir un tel penchant pour le vin, faire des sacrifices humains ?
A noter également que cela se teinte très souvent d'une bonne dose d'antisémitisme...


Concernant Jésus, on l'accuse très souvent de vivre une relation avec Marie Madeleine (prostituée) et Jean. On l'accuse même d'être un maquereau, un proxénète : " il vit de belles pécheresses qui lui filaient du blèze ". Pour d'autres, c'est un forain, un prestidigitateur.

On trouve aussi des noms ridicules pour le désigner :"l'Oint" (Taxil), "Sabaoth-Christ-Pigeon" (pour le Saint Esprit), "Divin moulin à parole". Simon Pierre devient Simon-Caillou...
Des parodies de la Bible sont également éditées et de nombreuses caricatures circulent :
  • La Bible folichonne de Léo Taxil ;
  • 1892 : la Saint Bible racontée par un Auvergnat ( il y a des "ch" à tous les mots, des "fouchti fouchtra"...) ;
  • André Lorulot, La Bible comique illustrée.

On trouve également des vies comiques qui racontent le Nouveau Testament :
  • Gustave Frison, la vie de Jésus racontée par un matelot ;
  • Léo Taxil, Vie comique de Jésus.

Ces différentes Bibles possèdent en commun des procédés comiques :
  • L'ingérence du rédacteur dans le texte pour des remarques personnelles ;
  • Introduction d'éléments contemporains complètement anachroniques ; (Lavrate choisit de montrer Adam et Eve chassés du Paradis par un sergent de ville aux allures bonapartistes) ;
  • Recours à un humour gaulois exprimé sur un mode populaire et souvent argotique (Dans la Bible de Taxil, le Ressuscité sort de tombe en chantant " si vous voulez des pommes montez sur un pommier, si vous voulez des dames, montez sur un damier " ; Et Judas quitte la Cène en chantant " Marie trempe ton pain ").


Plus récemment, il y a CAVANNA. On ne sait pas s'il a connu ces "Bibles" antérieures, ce n'est sûrement pas le cas. Voici quelques-uns de ces procédés :
  • Il invente des noms Bibliques en hébraïsant les noms : Zan roi de Reglish, Liehbigh roi du Pohtaj, Pompidouh roi des Khônh ;
  • Il invente des objets en assemblant des noms : xylophone sacro iliaque, synecdote à rouet ;
  • Il a également un registre trivial mais avec des comparaisons auxquelles ses prédécesseurs n'avait pas pensé.
Ex : quand les anges viennent prévenir les Bergers de la naissance de Jésus : " Ne craignez point O culs terreux ! " Les Bergers répondent : " Merci O plume au cul ! "
  • Dieu est violent, inconstant, etc. idem pour les juifs.

La caricature religieuse, biblique, continue encore aujourd'hui, avec les débats sur la laïcité notamment.

 
 
~jamesB~ Publié le : 11/03/2008

 

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