Sciences et fraudes scientifiques - I

Sciences et fraudes scientifiques font destin commun !


Science sans conscience...

Ière partie

Et de deux : en quelques semaines un deuxième scientifique, Chinois celui-là quand le précédent était Sud-Coréen, est convaincu de fraude ! Chen Jin, chercheur informaticien de 35 ans, est une star dans son pays où son labo était subventionné largement par l'Etat. Il prétendait avoir mis au point un processeur révolutionnaire qui aurait dû permettre à la Chine de rattraper un retard certain dans ce domaine. Pas de chance, son fameux processeur n'est qu'un faux, sans performances particulières. C'est une dénonciation qui a permis de le démasquer. Il vient d'être viré de son université de Shangai et devra rembourser tout l'argent qu'il a reçu...

Le Sud-Coréen Hwang, une sommité dans son pays, avait quant à lui affirmé il y a peu qu'il était parvenu à fabriquer un embryon humain par clonage. Pas de veine, il avait truqué ses résultats. Démasqué en octobre dernier.

Ne vous affolez pas ! Science et fraude scientifique font destin commun depuis l'origine. Prenez Claude Ptolémée. Cet astronome (mort en125 avant J-C), le plus grand de l'Antiquité, dont l'œuvre a fait autorité pendant des siècles, a surtout pompé le travail de son contemporain Hipparque (mort en 120 av.J-C) qui, lui, avait fait de véritables observations à partir des étoiles la nuit. Ptolémée avait quant à lui travaillé en plein jour, sans trop de fatigue, à la Bibliothèque d'Alexandrie.

Au fil du temps, on peut lister bien des fraudes scientifiques, et en tous genres (et probablement ne sait-on pas tout ), qui passent par la manipulation truquée, la falsifications de résultats, le plagiat, l'orientation biaisée de la recherche, etc.

Au XVIIIè siècle un prédécesseur de Cuvier, victime d'un canular, écrivit toute une somme sur des fossiles... bidon !

En 1909, un explorateur américain, Amrial Peary , prétendit avoir conquis le pôle Nord ; sauf qu'il en était à des centaines de kilomètres et le savait.

Quant à l'homme de Pildtown, il eut une belle carrière : cet " homo Heotanthropus " dont le crâne fut découvert par un avocat paléontologue amateur en 1912, connut un sort glorieux dans les hautes sphères scientifiques londoniennes. Il s'agissait de fragments de crâne d'un grand intérêt. Leur âge ? un demi million d'années disaient les expertises, faites, il est vrai, avec les méthodes rudimentaires du temps. L'étrangeté de ce crâne, c'est que c'était celui d'un homme contemporain, mais doté d' une mâchoire de singe . Voilà qui plaidait pour ce fameux " chaînon manquant " qui a si longtemps préoccupé les scientifiques du passé, persuadés qu' il devait bien y avoir eu une créature particulière, faisant le lien entre l'homme et le singe ! En tout cas, l'Angleterre pouvait se vanter, avec cet homme de Pildtown, d'être le berceau de l'Homme. Il faudra attendre 1949 pour qu'une nouvelle datation, avec une technique plus performante, jette le doute sur l'authenticité du crâne. Et dans les années 50 il s'avéra que l'homme de Pildtown n'était qu'une ingénieuse supercherie, une fabrication d'artisan, d'artisan spécialisé il est vrai. On avait assemblé un crâne humain et une mâchoire d'orang-outan, au grand dam du Muséum d'histoire naturelle de Londres. Qui était le faussaire ? On n'en sait rien ! Il se pourrait même que ce soit une blague de savants un peu potaches qui soit allée trop loin. On dit aussi que le faussaire aurait pu être...Conan Doyle (le père de Sherlock Holmes), qui habitait à deux pas de Pildtown.

Le psychologue Cyril Burt (1883-1971), lui, voulait à tout prix démontrer que l'intelligence était héréditaire. Pour ce faire, il fit ce qu'il fallait en travaillant sur des jumeaux. Et pour les besoins de ses résultats, il fit état de toute une série de paires de jumeaux qui, tous, étaient sortis de son imagination.

William Summerlin, immunologue américain affirma en 1973 qu'il était parvenu à greffer de la peau de souris blanche sur des souris grises, sans aucune réaction de rejet. Preuves à l'appui. Malheureusement pour lui, il fut pris la main dans le pot de peinture, alors qu'il teignait en blanc des souris grises !

Il faut encore parler du célèbrissime Trofime Lyssenko : dans la Russie soviétique de Staline il conduisit l'agriculture, la biologie et la génétique de son pays dans le fossé. Fils de paysan, il prétendit élever à la hauteur de science exacte un vieux truc paysan sensé multiplier à l'envi la production de céréales. Il contra, avec la bénédiction de Staline, les généticiens et les agronomes de son pays évidemment hostiles à sa théorie. Il eut droit à tous les honneurs de son pays y compris la présidence de l'Académie Lénine des Sciences et fut sacré " héros de l'URSS ". On lui dressa même des statues ! Le pire c'est que ses théories se répandirent parmi les communistes du monde entier et Aragon lui-même lui tressa des couronnes.
Tout se gâta dans les années 50. Les écailles tombèrent subitement des yeux des caciques du Parti Communiste : Lyssenko n'avait pas fait les miracles annoncés, au contraire. Et l'on découvrit dans la magnifique ferme expérimentale de Lyssenko, que tout était truqué : pour accroître la production de lait de ses vaches, il les nourrissait de mélasse de biscuits et de chocolat !

Restons-en là.

Qu'est-ce qui pousse les scientifiques (et les autres) à la fraude ? Sans doute, l'envie de brûler les étapes et de faire avancer plus vite leur carrière, mais aussi l'esprit de compétition mal compris, le goût du pouvoir et de la publicité, l'envie pour certains d'obtenir des subventions et, évidemment, l'envie des honneurs !

Les Etats ne dédaignent pas non plus, si besoin est, d'en appeler au truquage : en ex-URSS, toujours, on faisait retoucher les photos officielles pour en faire disparaître la personnalité qui avait cessé de plaire !

L'état d'Israël, dans son désir de conforter sa légitimité, a toujours donné un coup de pouce à son archéologie afin qu'elle prouve, par ses découvertes que l'Ancien Testament dit vrai. Mais depuis quelques années, des archéologues moins soumis travaillent plus librement. A la lumière des plus récentes découvertes, ils remettent la Bible en perspective, sans évidemment mettre en cause l'ancienne histoire de l'Israël biblique, mais en redistribuant la part de l'histoire et celle du mythe : la première est beaucoup moins importante que la seconde !

La fraude scientifique atteint aussi l'Histoire, science humaine s'il en est, avec des conséquences tragiques.

Ainsi en est-il du document intitulé " Les Protocoles des Sages de Sion " qui, depuis sa parution au début du XIXè siècle et bien qu'on sache depuis longtemps qu'il s'agit d'une forgerie, fait toujours des dégâts.

Que raconte ce pseudo document ? Il prétend révéler comment les Juifs entendent conquérir le monde, en livrant le compte rendu de soi-disant réunions secrètes au cours desquelles un super dirigeant dénommé le Sage de Sion, délivre aux chefs du peuple juif les tenants et aboutissants du plan par lequel ils réduiront toute l'humanité sous leur joug ! Rien de moins....

Ce pseudo document parut en Russie en deux temps, d'abord en 1903 puis en 1906. L'objectif : le tsar Nicolas II qui voulait moderniser son pays rencontrait l'opposition de ses sujets. Il avait donc besoin de détourner leur colère sur des gens bien connus pour leurs soi-disant aptitudes à semer le trouble : les Juifs. Encore fallait-il le prouver. Rien de plus simple : il suffisait d'en fabriquer la preuve. Voilà comment cette " preuve " fut commandée à Mathieu Golovinski, un aristocrate, avocat véreux, journaliste à scandale, qui intriguait dans les milieux russes de Paris. En trafiquant le "Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu" (un pamphlet signé Maurice Joly contre Napoléon III en 1864) il mit au point les tristement fameux protocoles. Qui entamèrent une longue carrière de nuisance : le 8 mai 1920, le très réputé Times de Londres, publiait un éditorial ainsi titré : Le Péril juif, un pamphlet dérangeant. Demande d'enquête en s'appuyant sur le faux de Golovinski. En août 1921, le Times fit machine arrière en reconnaissant que les Protocoles n'étaient qu'un faux. Sous le titre "La fin des Protocoles", il publia des preuves de la falsification. Malheureusement, le mal était fait. On édita les Protocoles en France chez Grasset en 1921, et il furent réimprimés plusieurs fois jusqu'en 1938. Une grande carrière attendait ce faux puisqu'il fut aussi diffusé aux Etats-Unis par le constructeur d'automobiles Henri Ford. L'état hitlérien le reprit à son compte et le prétendit tout à fait authentique.

De nos jours, dans la plupart des pays européens, les Protocoles sont interdits. Mais ils reparaissent périodiquement dans certains états de l'ex-URSS - on les trouve en vente libre à Moscou -, dans des pays arabes, aussi bien qu'au Japon et en Amérique latine.

La fabrication des Protocoles est désormais parfaitement connue et démontrée dans le détail : c'est un historien russe, Mikhail Lépekhine, qui en dépouillant il y a une vingtaine d'années des archives littéraires, est tombé sur des archives françaises conservées à Moscou depuis bientôt cent ans, dont le dossier du faussaire Golovinski. Il y a trouvé tout ce qui concernait le rôle de Golovinski dans la fabrication de ce faux.

Malheureusement, il n'y a pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, et les Protocoles continuent leur sale boulot. Ces faux absolus continuent de nuire, absolument.

A suivre....

 
 
~Deborah Bernard~
Publié le : 19/05/2006

 

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