Interview de Yannick Monget

Yannick Monget, auteur de Demain la Terre, nous a accordé une interview pour nous parler de lui, de ses projets, et de son livre.
Melaquablue l'a interviewé pour nous :





Tout d'abord, pouvez-­vous nous parler de vous et de votre engagement pour l'environnement ?

Cet engagement a fait suite à mes études scientifiques en paléontologie, qui m'ont amené à étudier et travailler sur les grandes crises biologiques de la vie, principalement celles du Permien-Trias et du Crétacé Paléocène (crise KT). C'est en prenant connaissance du taux d'extinction actuelle des espèces que j'ai fait le rapprochement entre la crise contemporaine et ces crises du passé, en prenant la mesure de l'importance de la catastrophe qui est en cours.
A la suite de mes études, j'ai donc décidé de m'engager pleinement dans la lutte pour la préservation de la biodiversité, le réchauffement climatique mais aussi pour changer concrètement les choses et trouver, développer des solutions alternatives d'avenir, en créant en 2004 le groupe Ankaa, un organisme qui développe aujourd'hui des projets de sensibilisation et d'action d'ampleur internationale.

Vous avez publié un livre, Demain, la Terre. Pouvez-vous nous le présenter en quelques mots ?

Cet ouvrage, sorti en France en septembre 2006 et dont la sortie internationale est annoncée pour septembre 2007, présente des retranscriptions visuelles de différents scénarios d'avenir inspirés des travaux du GIEC , le groupe d'experts international, mandaté par l'ONU pour étudier le réchauffement climatique et ses effets possibles sur notre planète et notre société.
C'est donc un livre-photos avec des projections montrant les plus célèbres des monuments et des villes de la planète dans diverses configurations d'avenir réellement possibles, afin de faire réagir les gens. On y découvre ainsi à quoi ressemblera la planète si la totalité des glaces du monde fondent, si l'effet de serre venait à s'emballer, si le Gulf Stream s'arrêtait etc etc...

Comment vous est venue l'idée de faire des photos " catastrophes " ?

Tout d'abord il n'y a pas que des images catastrophes, et la particularité du livre est également dans une dernière partie de montrer des paysages nous poussant à rêver et qui font référence à un scénario trop peu abordé, celui de la révolution humaine.
Mais il est vrai que toutes les autres images du livre se font l'écho de lourdes menaces et catastrophes, dont certaines se sont même réalisées depuis la parution de l'ouvrage (la destruction de la Nouvelle Orléans par Katrina, les fontes des neiges du Kilimanjaro, l'inondation catastrophique de Prague, Dresde etc etc...)
L'idée, je pense m'est venue en observant le travail de Yann Arthus Bertrand et de l'impact que pouvaient avoir ses images sur le grand public. On le dit souvent, une image vaut plus que mille mots, et je pense que c'est une manière ludique qui permet d'expliquer facilement le phénomène du réchauffement et ses effets au grand public.



Quelle est pour vous la photo qui a le plus de force ? Et pourquoi ?

Il y en a deux, je pense : la couverture, cette image positive justement des Champs Elysées devenue avenue piétonnière, avec des jardins et sans aucun véhicule et celle de la Tour Eiffel en ruines, les pieds dans l'eau de l'Atlantique, qui inonde le Bassin Parisien. Cette image a fait la couverture de plusieurs magazines, en France et même en Chine, c'est également la couverture de la version américaine, anglaise et australienne de l'ouvrage. Je ne sais pas exactement pourquoi, peut-être parce que c'est le monument le plus visité et donc le plus connu au monde , et que le voir ainsi abandonné tranche justement avec l'affluence habituelle à ses pieds.

Vous nous avez mentionné un projet, celui d'afficher partout dans le monde les images que vous avez créées, devant les monuments concernés. Où en est ce projet ? (Date, lieux, etc.)

Un projet international de très grande ampleur est effectivement en cours d'élaboration. Je l'ai présenté en mars dernier à New York au responsable du PNUE (Programme des Nations-Unies pour l'environnement) avec le premier secrétaire de la mission française auprès des Nations-Unies. L'ONU a apporté son soutien, comme plusieurs ambassades étrangères et plusieurs villes comme Paris, qui a rejoint officiellement le projet dès la fin 2006. De très nombreuses personnalités ont déjà rejoint le projet : scientifiques, politiques, comédiens, journalistes etc. mais je ne peux vous en dire plus pour l'instant.

Lors de la conception du livre, avez­-vous côtoyé des scientifiques ?

Je suis scientifique de formation, j'ai fait des études en sciences de la Terre et de l'Univers et j'ai travaillé volontairement avec des chercheurs sur des sites du crétacé supérieur ce qui m'a fait m'intéresser de près à la crise KT. Puis j'ai mis à jour un site fossilifère du Trias en Lorraine ce qui m'a fait m'intéresser et étudier la crise du Permien. Ensuite j'ai également demandé à des scientifiques de valider mes écrits, principalement à mon ami Jean-Marie Pelt, qui est le père de l'écologie contemporaine et Président de l'Institut Européen d'Ecologie.

Concernant la protection de l'environnement, quelles seraient, selon vous, les mesures gouvernementales à prendre en urgence pour freiner le désastre ?

Il y en a tant... Ce que je peux vous dire c'est que j'ai un très bon a priori sur le gouvernement qui vient d'être formé, Alain Juppé est à sa place et la volonté affichée du nouveau Président de la République me semble sincère. Maintenant, reste à juger les actes. Mais le discours est cohérent, même s'il demeure quelques points de désaccord, principalement sur les OGM et le nucléaire. Certes , le nucléaire nous permet de ne pas émettre des quantités importantes de gaz à effet de serre, mais la dangerosité de cette technologie, et le problème des déchets m'ont convaincu : nous ne devons plus miser à présent sur cette technologie mais la remplacer progressivement par un ensemble de technologies propres, du solaire à l'éolien, en passant par les forces marémotrices etc etc.
Pour les OGM, je suis pour les tests en laboratoire car je crois que beaucoup de découvertes pourraient être faites qui amélioreraient la santé. En revanche je suis strictement contre leur commercialisation actuelle, car les produits créés actuellement provoquent déjà des maladies graves chez les animaux de laboratoire sur lesquels ils ont été testés. Il s'agit là de produits dont les effets sur le long terme n'ont jamais été validés, bien au contraire, et c'est une catastrophe sanitaire et écologique qui aura lieu si la France autorise leur plantation en plein champ et leur commercialisation. Je ne suis pas non plus très favorable aux biocarburants, j'émets de grosses réserves sur l'Hydrogène, mais en revanche je crois beaucoup aux véhicules électriques.

Quelle est votre opinion sur la non-signature du protocole de Kyôto par les gouvernements américain et chinois?

La position américaine du président Bush est lamentable et pitoyable. En revanche, j'observe que plus de 400 villes américaines ont aujourd'hui décidé de rallier le protocole et que le président américain est de moins en moins suivi sur sa politique. Même les médias ont viré de bord et se sont mis au vert aux Etats-Unis.
Pour la Chine, il est clair que son développement sera un défi pour le siècle à venir, mais je note que les ambitions de la Chine pour remédier à ces problèmes sont extrêmement importantes et j'aimerais bien voir plus de pays occidentaux faire de même. Il ne faut donc pas mettre tout sur le dos de ces pays pour excuser ou dissimuler notre retard dans ce domaine. Nous devons tous agir et nous entraider en faisant en sorte que les pays en voie de développement puissent accéder directement à des technologies propres et ne passent pas par les erreurs que l'on a commises comme pour le charbon par exemple.

Vous nous avez évoqué un projet avec Bernard Werber : en quoi consisterait-­il ?

Après discussion avec Bernard, nous avons effectivement pensé à une collaboration sur un projet internet tout d'abord. Ce projet reste d'actualité mais je n'ai pu donner suite ces derniers temps car j'ai été très sollicité avec les nouveaux projets d'Ankaa.

Enfin, avez­-vous de l'espoir pour l'avenir de notre planète ? Etes -vous plutôt optimiste concernant cet avenir, ou pessimiste ?

Je souhaite rester optimiste. Le dernier rapport du GIEC à Bangkok a prouvé que nous pouvons nous reprendre en main immédiatement en investissant pour l'environnement. Cela coûterait entre 1,12 et 3 % du PIB d'ici 30 ans, ce qui n'est rien a côté des menaces qui pèsent sur la planète si nous n'agissons pas. Il est donc temps d'agir et tous ensemble. N'oubliez pas qu'à chaque fois que vous allez faire vos courses, vous allez voter. Vous ne souhaitez pas d'OGM ? Vérifiez le contenu de votre alimentation et boycottez ces produits. Vous souhaitez contribuer au développement des nouvelles technologies ? Investissez dans un chauffe- eau solaire, achetez des véhicules hybrides ou électriques, utilisez massivement les transports en commun, marchez, faites du vélo, (si cela est possible). Ce sera tout bénéfice pour vous, votre santé et vos économies. C'est aussi simple que ça.
Bien évidemment, outre cette insurrection des consciences et ces changements d'habitudes, il est clair que les choix politiques doivent suivre, avec l'instauration de systèmes de taxation sur les technologies polluantes et à l'inverse de détaxations sur les technologies propres afin de les rendre accessibles à tous. De nombreuses mesures doivent êtres prises en politique intérieure.
Concernant les politiques extérieures, je pense que la gravité de la situation et le fait que l'atmosphère nous est à tous commune obligera les pays du nord à aller enfin vers les pays du sud, car il est évident que cela ne sert à rien de transformer notre société occidentale de pays riches en société propre si nous laissons tous les pays en voie de développement continuer de détruire leur environnement... qui est également le nôtre. La solidarité planétaire sera donc l'unique solution pour s'en sortir.. Soit, pour la première fois dans l'Histoire des hommes, nous décidons de nous rassembler et de tous agir, soit nous ajouterons le nom de l'homo sapiens à la macabre liste des animaux menacés d'extinction. C'est une certitude mathématique.

Merci d'avoir pris le temps de répondre à nos questions.


~L'Equipe de l'ESRA On-Line~

 

Ajouter un commentaire sur la news

Il faut être membre du site afin de pouvoir laisser un commentaire sur une news.