Banquet des affamés
S'ouvrir l'appétit de vivre en savourant le moment présent.
Vivre le moment présent ,c’est vivre son essence dans toute sa splendeur. C’est parfois le retour d’un équilibre perdu où dans une tergiversation momentanée nous avions mis au rencart des éléments essentiels du respect de soi. Les saveurs de ce retour aux sources sont aussi diversifiées qu’une table de banquet où chacune de nos expériences tient lieu de mets délectables. Or, l’abondance, voire la surabondance de ce menu nous place indubitablement devant des choix. Choisirons-nous le jeûne, la gourmandise, la satiété ou la dégustation ? Vivrons-nous intensément ce moment présent de satisfaction ou jouerons-nous plutôt la carte de la raison ?
D’emblée, si nous laissons notre subconscient guider nos impulsions, la passion nous dictera de mordre à belles dents dans cette opportunité de grande jouissance gustative. Afin de préserver la magie du moment, nous établirons même quelques rituels. Nous saisirons l’assiette avec une tendresse marquée, prenant soin de la garnir d’une belle variété de couleurs et de saveurs. Nous voudrons créer l’équilibre parfait entre les frissons du sucre, le pincement léger du sel et la chaude sécurité des miches de pain. Et, tandis que nous nous appliquons à agencer ces merveilleuses victuailles, nous faisons l’expérience du moment présent sans penser à autre chose que le bonheur des parfums sur notre langue à l’affût.
Pourtant, tandis que les nectars s’infusent en notre âme et que le craquant des fruits nous procure un sentiment d’euphorie momentanée, du plus profond de notre tête fromagée resurgit l’inconscient. Et si nous étions en train de commettre une erreur ? Et si nous étions en train de vivre trop intensément le moment présent ?
Les questionnements resurgissent des abysses de la peur. Soudain nous craignons l’amertume des raisins, nous avons la frousse à l’idée que la pomme ne nous cause des pépins. Nous regardons les huîtres en nous disant qu’il vaudrait bien mieux se refermer. Lentement, ainsi, nous déposons notre assiette en évoquant la trop grande intensité du moment présent.
Les regrets sont le dessert d’un banquet de cet acabit s’ils ne sont pas immédiatement transformés en sorbet de certitude. Nous devons alors prendre un pas de recul pour constater avec stupeur que nous avions entamé ce repas avec le désespoir de l’affamé. La faim de vie, l’envie de dévorer ces brioches de bonheur nous ont pris par surprise. Car, sur cette grande tablée de circonstances, nous avions oublié un élément essentiel. Le partage. Les repas les plus exquis n’exultent leur magnificence que s’ils sont consommés dans l’échange, dans le respect et dans la confiance.
Les yeux rivés sur le plafond de la spontanéité, nous tentons alors de rectifier les choses. Nous reprenons lentement notre assiette et nous nous assurons que les aliments de notre convoitise auront la même saveur, peu importe qui les consomme. Nous sortons de notre égoïsme et nous nous édifions en constatant les perceptions de l’autre. Avec humilité, nous apprenons qu’il n’y a rien de moins sûr qu’un citron, que les pires navets peuvent avoir du piquant et que mieux encore, nous pouvons avoir les yeux tout aussi pétillants que la panse.
Une fois rassasiés, nous digérons lentement ce moment de gloire de l’âme. Nous sommes fiers puisque nous avons eu le courage de nous mettre à table. Nous avons mordu dans la vérité avec l’espoir qu’elle ne serait pas trop amère. Les coupes de l’authenticité se sont vidées, puis remplies à nouveau avec la foi que chacun accorderait une attention particulière à ne jamais les faire déborder. Certes, nous ne connaîtrons jamais parfaitement chaque miette de pain, chaque noyau de pêche ou chaque bulle de champagne, mais nous faisons désormais confiance à la vie pour nous faire découvrir toutes les différences.
Dans le grand palais de la gourmandise, il existait jadis une grande pièce que l’on appelait le banquet des affamés. Une grande porte de bois s’élevait devant les tables garnies de milles friandises. Depuis notre passage, la porte demeure à jamais entrouverte. Parfois, lorsque le cœur nous en dit ou que la faim nous tenaille, nous nous permettons de humer les parfums fantasmagoriques de notre idéal. Car, nous savons de part et d’autre que si nous avons envie de prendre part au banquet, nous y serons à jamais les bienvenus.
~ideesinvitro~
Publié le : 07/03/2009
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Très bel article, j'aime bien le style d'écriture, ça change !
On en dirait presque une poésie, ou un conte..
Félicitations !
~Thanatos~
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