Tyrannie de l’affect

Paul Virilio : " J'ai vu comment le fascisme a manié les émotions"...


Descartes en son siècle dit :"Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée...". Aujourd'hui, il aurait sûrement rajouté "... les émotions aussi".

Comme le soulignait l'urbaniste Paul Virilio dans l'émission 'Ce Soir ou Jamais' de France3, nous sommes passés "des communautés d'intérêts à la communauté d'émotion, où le présent est oublié au profit de l'instant, et où notre rapport au réel est chamboulé par l'accélération de la diffusion instantanée de l'émotion ".

En effet, grâce au fabuleux moyen de communication qu'est la télévision, de nos jours des milliers de gens ressentent la même émotion au même moment, et cela est très grave.



Cette dictature des émotions, nous en sommes victimes souvent par le biais de la télévision, et cela de plus en plus. Le 11 septembre 2001, les deux tours du World Trade Center s'écroulaient en direct, et quasiment partout dans le monde, on assiste à la scène ; qu'avons-nous ressenti à ce moment-là ? Quelques jours après à Toulouse, l'usine AZF explose ; on assiste, toujours à la télévision, à la catastrophe.
De nouveau, qu'avons-nous ressenti à cet instant-là ?

Vous aurez compris que la liste de tels évènements sombres qui se sont succédés à notre époque est longue. Et comme toujours dans ces cas-là, on assiste à ce que l'on nomme la "synchronisation de l’affect", il devient quasiment indécent et même dangereux lors de ces évènements de rester impassible, de garder la tête froide, et même de réfléchir un peu.

Face aux accidents que nous montre la télévision, nous devons obligatoirement comme des millions de gens (des milliards?) à travers le monde ressentir la même chose, c'est-à-dire d'abord la tristesse, la frustration, ensuite l'injustice et la violence aveugle. Ce n'est pas pour rien que Paul Virilio déclare qu'il a vu comment le fascisme a manié les émotions.
Face à de tels évènements, nous perdons ce qui fait de nous des êtres intelligents et réfléchis, car physiologiquement nous sommes en état de stress (voir article L'action, l'affect et l'intellect). Dès lors nous sommes complètement manipulables et nous perdons totalement notre sens critique.

De la tyrannie de la force à la tyrannie des affects.

De nos jours, de la même manière que la censure a changé de visage, la dictature a aussi opéré son changement.
Dans l'Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu, Edmond Wells disait : «Aujourd’hui la censure a changé de visage, ce n'est plus le manque qui agit mais l'abondance". La dictature aussi est passée de la tyrannie par la force à la tyrannie des affects.

Cependant, que l'on ne s'y trompe point : ce n'est pas notre capacité d'empathie qu'il faut remettre en cause ni nos sentiments en général. Il suffit juste de prendre conscience que nos sentiments sont d'une manière ou d'une autre en compétition avec notre capacité d'analyse.
L'un des meilleurs moyens pour manipuler un individu est de jouer sur ses sentiments, puisque ces derniers inhibent en quelque sorte notre capacité d'analyse. Ainsi nous perdons peut-être, lors de tels évènements dramatique, notre esprit critique, ce qui est extrêmement grave quand on sait que cela concerne des millions de personnes, notamment grâce à la télévision.

Que faire alors ?

"Ce n'est pas un gage de bonne santé que d'être bien intégré dans
une société profondément malade".
En quelques mots, ne pas hésiter à aller à contre-courant lorsqu'on nous propose de telles situations à la télévision. Nous nous devons de garder notre esprit critique afin d'analyser la situation et ne pas tout de suite verser dans le tragique.
Nos émotions sont en fait les principaux chemins d'accès à notre inconscient, ainsi par leurs biais nous devenons facilement manipulables.

 
 
~excelsior~ Publié le : 14/08/2009

 

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