Artéfacts cognitifs et théorie associée
Une machine peut-elle être consciente ? Comment pourrait-on la reconnaître en tant que telle ? Sommes-nous finalement des êtres conscients ?
Une machine intelligente
A l'instar du robot soldat imaginé par James Cameron, qui n'a de cesse de vouloir exterminer la race humaine, ou a contrario, de Wall-E, ce petit robot qui découvre l'amour, une machine peut-elle véritablement être intelligente ? Ou les machines intelligentes sont-elles condamnées à rester au panthéon de la science-fiction ?
L’intelligence peut être définie comme plusieurs actions développées en réponse à une situation particulière. Comme toute succession d’actions, celle-ci caractérise un comportement orienté vers un but, lui-même défini par l’observateur.
Dans ce cadre, il est tout à fait concevable qu’une machine puisse adopter un comportement intelligent.
Néanmoins, l’intelligence sous-tend une certaine capacité adaptative. Rares sont les calculateurs réussissant à s’adapter à d’autres tâches que l’arithmétique. Le développement de « systèmes adaptables » serait un nécessaire pour concevoir une telle intelligence.
Il existe pour cela des algorithmes d’apprentissage associés à des Cartes Auto-Organisatrices (CAO) nées de travaux portant sur la modélisation de réseaux neuronaux.
Cartes auto-organisatrices ou CAO
Ces cartes sont capables d’organiser dans un espace à deux dimensions (une surface : rappelons que notre cortex fait 4 à 5mm d’épaisseur pour un mètre carré) des informations multidimensionnelles. Par exemple, ces cartes sont capables d’organiser le PIB d’un pays, ses conditions en termes de droits de l’homme, et sa croissance annuelle (soit 3 dimensions) sur une carte plane.
Ces cartes ne traitent pas les informations, mais se contentent simplement de leur stockage et de leur organisation, à la manière d’une mémoire proche de celle de l’homme.
Ces cartes, grâce à leurs capacités de généralisation, sont utilisées pour reconnaitre les différentes écritures des enveloppes et ainsi, permettre la distribution correcte du courrier dans la grande majorité des cas.
De plus, grâce à des algorithmes de renforcement (stimulation positive, mauvaise ou neutre), elles sont capables d’évoluer au cours du temps en fonction de l’expérience et de la pratique pour aboutir à un degré d’efficacité maximale. Et surtout, une efficacité en permanence améliorée, sans autre limite que le temps passé à apprendre, tout comme le cerveau semblerait fonctionner.
Ces CAO se veulent représentatives du fonctionnement des réseaux neuronaux chez l’homme. Elles sont capables d’expliquer différentes pathologies (Alzheimer, dépression, schizophrénie, TOC, hyperactivité, insomnie, dyslexie, autisme, etc.), d’expliquer pourquoi la méthode globale d’écriture est moins efficace, les faux souvenirs, la crise d’adolescence, et j’en passe.
Développement de robots
Petit robot de 8cm capable d'apprendre à se mouvoir seul dans un environnement inconnu. Photo de Alain Herzog. Maîtrise de sciences cognitives de Jayet Arnaud, 2002-2003.
Grâce à tout ceci, il est possible de développer des robots capables d’apprendre à se mouvoir dans un environnement inconnu, sans heurter les objets qui s’y trouvent, en améliorant leurs performances. Ce qui est intéressant dans ce système, comparé à des robots évolutionnistes (qui deviennent efficaces seulement dans un seul type d’environnement bien défini), est qu’une fois l’apprentissage réalisé, celui-ci pourra se déplacer dans n’importe quel environnement.
Dans de nombreux points, ces cartes reproduisent fidèlement les processus cognitifs humains.
Mais si ces cartes reproduisent fidèlement le fonctionnement du cerveau, qu’en est-il de leur portée à l’échelle de la conscience ? Et surtout, permettraient-elles d’en créer une ?
Tout semblerait converger vers ce point. Une centaine d’ordinateurs domestiques serait suffisante pour fournir la capacité de calcul. Il existe déjà différents systèmes pouvant servir à récolter des informations sensorielles (même si cela est moins précis que chez l’homme).
Vers une conscience artificielle
Mais s’il ne semble pas y avoir de barrière technologique, pourquoi cela n’existe-t-il pas encore ?
Tout d’abord, il faut un financement et donc convaincre que cela est possible. Ceci malgré les détracteurs. Deuxièmement, il faut du temps.
En effet, notre cerveau élabore des cartes corticales (équivalentes aux CAO) de niveau de plus en plus élevé, qui mettent plusieurs années à mûrir. Et plus le niveau est élevé, plus le temps nécessaire pour compléter ce niveau est grand. En effet, une carte doit être achevée avant qu’il y ait la mise en place d’une suivante de degré supérieur. Et chaque carte doit remplir un nombre identique d’expériences pour être complète. L’expérience dépendant directement du temps exposé à ces informations (par exemple, la lecture nécessite la mise en place de dix « étages » de cartes), cela prend des années. Si le modèle est correct, alors il faudra autant de temps à l’artéfact pour apprendre qu’à un homme.
Mais à quoi cela sert-il de créer un homme artificiel, si celui-ci n’est pas plus performant que nous ?
Il faut savoir que cela répondrait à la question que se posent depuis la nuit des temps les hommes : peut-on réussir à imiter la nature ? Ceci permettrait, au-delà de la simple satisfaction et curiosité scientifique, de fournir la preuve ou non, que le modèle fonctionne.
Mais ceci pourrait avoir une portée beaucoup plus longue.
En effet, ces artéfacts pourraient ne pas vieillir et ne pas mourir. Or, nous avons vu que le développement des cartes corticales est proportionnel au temps passé confronté à l’expérience. Quel niveau de compréhension du monde pourraient développer des êtres vivant des siècles, voire des millénaires ?
Pour ne pas les considérer comme immortels, ce qui serait le cas, vu que moins complexes que la vie, on pourrait plus aisément les réparer. Ce pourrait être une véritable évolution technologique.
A plus court terme, développer de tels artéfacts servirait à développer des compagnons pour les personnes vivant seules et ainsi, leur éviter un isolement social. Il serait plaisant d’imaginer un « tamagochi » qui serait une vraie personne.
De la même manière, cela permettrait de restaurer une certaine communication sociale.
Implications théoriques
Plus visionnaire encore, mais c’est là que cet article ne sera pas suffisant pour vous exposer les arguments de la théorie. Sachez qu’ils existent, mais sont difficiles à admettre. Et si je vous en parle, ce n’est pas pour vous convaincre, mais pour vous exposer ses idées.
Cette théorie, en effet, considère l’homme comme une "cristallisation de nos souvenirs" : nous ne serions qu’une mémoire organisant de l’information à partir de notre environnement. C’est là que cela pourrait gêner des gens car elle prône qu’il n’y a pas de sens caché à la vie.
De la même manière, elle prône que le libre arbitre n’existe pas.
Elle fait, en effet, l’hypothèse que si nous connaissions parfaitement les relations d’un cerveau et que nous avions accès à l’ensemble des souvenirs d’un individu, alors nous pourrions prédire l’état du cerveau quelques mois plus tard et par récurrence, l’ensemble de la vie de l’individu.
Cette théorie prône aussi qu’une mémoire n’a pas à posséder et qu’en général, c’est l’objet que nous croyons posséder qui finalement nous possède (peur de se le faire abîmer, voler, etc.)
Il en découle aussi que si nous n’avons pas encore rencontré les petits hommes verts, c’est qu’elle estime qu’eux-mêmes ont fini par adopter le concept que nous n’étions qu’une cristallisation de souvenirs, et que l’essentiel ce sont les interactions que nous développons avec nos proches. Dans ce cas, voyager à des milliers d’années lumières (en admettant que cette vitesse est une limite infranchissable) n’aurait pas de sens car à notre retour, tous les gens de notre entourage - donc notre environnement - auraient disparu depuis bien longtemps.
Cette théorie fait, par définition, qu’étant simplement des mémoires, faisant voyager de l’information vers le futur, nous ne serions pas mortels.
En effet, l’information continuerait à voyager à travers nos descendants ou les gens que nous avons instruits, après nous.
Elle rejoindrait l’idée de la réincarnation vantée par certaines religions, non pas au sens littéral comme souvent on peut le comprendre, mais dans un sens plus métaphorique, mais bien réel (toujours en admettant la théorie).
Elle rejoint aussi la philosophie bouddhiste qui veut que nous n’existons pas vraiment, comme nous n’avons pas de libre arbitre. De même, conscience et intelligence ne seraient qu’une illusion.
Cette théorie extrapole aussi au niveau de la vie. Une chose, une entité matérielle, qui est capable de se réparer et de se reproduire finira par coloniser le milieu et ça donnera de la vie.
Conclusion
Voilà, réussir à construire un artéfact cognitif à partir de ses CAO reviendrait à bien plus que prouver que l’homme est capable d’imiter la nature, cela reviendrait à admettre un certain nombre de corrélats philosophiques et pour la plupart d’entre nous, à changer notre vision de la vie, de la conscience et de notre place dans l’univers.
Ceci est loin d’être anecdotique, j’ai essayé de vous faire part le plus fidèlement possible de ce que j’ai compris. Bien d’autres personnes pourraient vous l’expliquer mille fois mieux que moi. En tout cas, j’espère que cela vous aura intéressé .
Références :
Alan Turing, Computing Machinery and Intelligence, Mind, Oct. 1950
Tuevo Kohonen, Introduction to Neural Networks
C. Touzet, Les réseaux de neurones artificiels : introduction au connexionnisme, 150 pages, Préface de Jeanny Hérault, EC2 éd., Paris, 1992.
L. E. Parker, C. Touzet and D. Jung " Learning and Adaptation in Multi-Robot Teams," Proc. of Eighteenth Symposium on Energy Engineering Sciences, 2000: 177-185.
~Austin~
Publié le : 18/03/2010
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