La Tyrannie des Gens Heureux
Une idée me trotte dans la tête depuis longtemps. Elle est le fruit de réflexions plutôt sombres, tard, le soir. Le genre de pensée qui vous laisse un goût amer dans la bouche. Et que seul un sommeil réparateur peut atténuer, jusqu'à ce que vienne, encore, une nuit de doute et de déprime...
Donc, vous êtes seul, face à vos problèmes. Les larmes coulent, ou pas. Peut-être est-ce que vous avez trop pleuré, et que maintenant, la situation vous apparaisse comme sans solution aucune. Vous vous sentez obligé d'envisager votre mort. Parce que non, décidément, si vous ne pouvez plus contrôler votre vie, en faire ce qui vous plaît, ou bien réaliser des rêves de gosse, à quoi bon ? Vous décidez tout de même de dormir, au cas où ce ne serait en fin de compte qu'une mauvaise passe, et que le lendemain vous apporte quelque chose de positif. Et puis, merde, vous avez trop de respect pour la vie pour vous laisser aller à vous supprimer sur un coup de tête. Si aujourd'hui ça ne va pas, alors demain, ça ira mieux. Et cela vous rassure, en un sens, n'est-ce pas ?
Je crois que tout le monde a en lui la vision d'un lendemain meilleur. Même au pire moment de sa vie. La mythologie ne nous le laisse-t-elle pas entendre dans le passage de la "boîte de Pandore"? On y raconte que la première femme, pleine de curiosité, ouvrit la boîte que Prométhée avait donné à Épiméthée avec la recommandation de justement, ne jamais, jamais l'ouvrir. Et tous les maux de l'humanité en sortirent. La haine, la peur, la maladie, la jalousie... Bref, tout plein de saletés dont on se passerait bien... Mais au fond de la boîte, une petite cache, sur laquelle était inscrit : "à ouvrir en cas de problème". Pandore ouvrit le fond de la boîte, et en sortit l'Espérance.
Mais cette dernière n'est-elle pas aussi l'un des maux qui rongent l'humanité ? On a beaucoup détruit en son nom. Oh, peut être d'une façon détournée, mais si l'on réfléchit bien, la société s'est basée sur l'espérance collective pour asservir les individus. Car qu'est-ce que l'espérance, sinon une vision positive du futur, c'est-à-dire quelque chose d'impalpable, d'inconnu ? Et au nom de ce concept, on peut faire d'un humain tout ce qu'on veut. Il s'agit en réalité de la plus grosse arnaque de tous les temps. D'une sorte de chantage à l'échelle mondiale, et à durée indéterminée.
Je vais tenter ici de développer mon idée, par rapport à ce que je peux voir autour de moi.
Les sociétés fonctionnent par les individus, et les individus, du fait de leur appartenance (ici), à la race humaine, fonctionnent par la société. Nous sommes des êtres sociaux, il ne peut en être autrement.
Ensuite, il s'avère que dans toutes mes interrogations à propos des motivations profondes des hommes, j'en suis arrivée à la conclusion que le moteur principal de l'homme était la peur. Je peux trouver, à chaque envie, à chaque action, un lien de peur, ou de motivation telle que la cessation de la peur.
Il était donc tout naturel qu'au fil de la construction de sociétés, les chefs, les leaders de groupes plus ou moins importants, utilisent la peur comme bâton, et la cessation de celle-ci comme carotte. Exemple : "les patrons vont fermer vos usines, vous n'aurez plus de travail" et ensuite "si l'on se mobilise, et que nous manifestons, on peut retrouver nos emplois".
Il peut également s'agir de justifier des actes dans le présent en utilisant le temps futur, et l'espoir d'y trouver quelque chose de mieux. Par exemple, il faut se serrer la ceinture aujourd'hui, pour pouvoir vivre mieux demain, ou bien partir en vacances, se faire plaisir... L'adage "il faut souffrir pour être belle" n'illustre pas trop mal tout cela...
Le concept de "Bonheur", et donc de cessation de la peur, arrive donc "plus tard".
Les sociétés ont quasiment toutes vécu le même type de schéma évolutif : la plupart du temps, une croissance rapide, suivit d'un court temps de prospérité, et enfin, un déclin, annoncé par des problèmes internes, et appuyé par des invasions de grandes puissances.
Le fait est qu'aujourd'hui, les gens semblent penser que tout va dans le "bon sens". C'est-à-dire qu'à toutes les échelles, les choses doivent s'améliorer dans le temps. La société doit prospérer, inventer, s'agrandir, régler les problèmes de santé, les conditions de vie... D'une Génération sur l'autre, il en va de même : les enfants doivent faire plus d'études que leurs parents, de façon à trouver un meilleur emploi, et donc évoluer socialement. A l'échelle des individus, c'est pareil : on doit arriver plus haut que l'endroit d'où on est parti, alors, peu importe les difficultés, elles finiront par s'arranger.
Bien qu'aujourd'hui, cela ne soit pas vérifié, les gens préfèrent y croire, car cela leur permet d'accepter leur quotidien, et leurs difficultés présentes.
Un autre adage reste très populaire : "tout travail mérite salaire". Il est utilisé bien plus largement que dans le domaine professionnel. Comme si cela coulait de source, et qu'on allait de toute façon être récompensé pour avoir versé sa sueur...
Ces concepts sont tellement humains... Et même les religions en découlent : Dieu, par exemple, illustre un concept d'après vie, d'au-delà meilleur que la vie terrestre. Il s'agit de la reconnaissance par une entité supérieure des maux que l'on a subis durant son humanité, et d'une récompense proportionnelle. Donc, plus on souffre, mieux on sera accueilli, n'est-ce pas ?
Pour moi, ce n'est qu'un moyen parmi tant d'autre de museler la population, car, par le biais de la religion, elle accepte de souffrir... pour rien.
~Liam d'Ovalis~
Publié le : 17/09/2010
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