La Voie de La Moindre Influence

Vous a-t-on déjà dit que vos idées ne valaient rien puisque vous n'étiez pas célèbre ?


Ou bien que quelqu'un avant vous (en citant un nom), avait écrit un roman sur le sujet à propos duquel vous vous exprimiez, et qu'il ne servait donc à rien d'en parler à nouveau ? Peut être l'un de vos professeurs de français vous a-t-il énoncé cette citation de La Bruyère : "tout est dit et l'on vient trop tard ?"

Dans ce cas, je suis ici pour détruire ces bases que l'on vous a inculquées.

Pour ma part, sans me considérer comme une autodidacte, je pense avoir plus appris des lectures et des conversations extérieures au milieu scolaire que de ce que l'on tentait par tous les moyens de me rentrer dans le crâne en classe.

Et c'est sans doute à force que vouloir éprouver mes propres connaissances et ma réflexion propre que m'est venue cette idée : pourquoi me forçait-on à apprendre et à réfléchir comme telle ou telle grande figure de notre culture, puisqu'il me semblait pouvoir tout aussi bien "réussir" de façon plus indépendante ?

Souvent, on m'a fait remarqué que mes idées ressemblaient à ce qu'avait dit un tel, mais n'ayant jamais eu l'occasion de lire les écrits de cette personne, ou de parler avec elle (ce qui aurait sans doute été compliqué, l'individu étant la plupart du temps mort et enterré), il en ressortait un sorte de frustration de ne plus pouvoir faire valoir mon propre cheminement de pensée. Effectivement, comment lutter intellectuellement contre un mort ?

Et puis, cette personne étant morte, ses idées ont pris fin. On s'appuie donc sur les dernières réflexions d'une personne célèbre comme on le ferait de la conclusion d'un texte.

Bernard Werber, avec son "Arbre des Possibles" a pu apporter une image végétale à ce que je ressens. Mettons que le cheminement de pensée d'un individu soit une branche, et les branches plus petites qui en découlent, les divers aspects de son raisonnement : à la mort de cette personne, les branches ne poussent plus, ne donnent plus les fruits qui auraient pu à leur tour nourrir les bases de réflexion d'autres individus. Non, la société préfère s'appuyer sur ce qui existe, quitte à déformer les branches, à les adapter à ses besoins.

Pour résumer, je défends l'idée qu'en apprenant, nous nous limitons. Car les branches de la réflexion des "grands" deviennent stériles à leur mort.

Mais d'un autre côté, j'aime apprendre. Et je défends également l'éducation sous toutes ses formes.

Donc, me voilà face à un dilemme. D'un certain point de vue, il faudrait laisser leur chance aux humains, afin qu'ils puissent s'exprimer à propos de tout, sans être influencés par les anciens raisonnements, de manière à, peut-être, apporter une vision nouvelle, des idées non exploitées... Et l'on sait combien il est compliqué de se sortir de ce qui nous influence inconsciemment.

De l'autre, la vie et donc l'influence de l'environnement et des personnes qui nous entourent, nourrit notre réflexion.

Du fait de notre humanité, nous vivons en société. Le premier cercle social étant la famille, ou bien les adultes référents. Et dès ce premier cercle, nous sommes influencés. Nous ne serons donc jamais au point zéro de l'innocence et de la non influence.

Par contre, il me semble tout à fait imaginable de développer la voie dite de la "moindre influence".

Comment, me demanderez-vous, contrer les effets du temps, qui font que nos idées évoluent, et ne ressemblent plus du tout à ce que l'on pensait au début, suivant l'âge que l'on a, les gens que l'on rencontre, les livres que l'on lit ?

Mais en écrivant, tout simplement...

Gardez vos écrits, même ceux qui vous semblent les plus insignifiants, les plus simples... Relisez les de temps à autre, peut-être aurez-vous envie de revenir sur un point, de développer une idée... Peut-être vous extasierez-vous devant un raisonnement que vous teniez il y a dix ans... Avant d'avoir lu celui d'un autre que vous, que vous aviez par la suite adopté comme le votre propre, sans essayer de lutter, sans plus pouvoir vous extirper d'une branche stérile...

Peut-être effectivement partagez-vous des points de vue avec cet auteur, mais pourquoi dans ce cas ne pas vous greffer au tronc commun de sa réflexion, et faire pousser votre propre branche? Peut-être prendra-t-elle une direction nouvelle...

 
 
~Liam d'Ovalis~
Publié le : 27/10/2010

 

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Je reviendrai seulement sur la question de ce que tu as appelée les branches mortes ; ces branches ne sont pour moi en rien des branches mortes. Les pensées d'un auteur reconnu ne sont jamais un aboutissement en elles-mêmes, et quand bien même elles le deviennent pour certains, cela n'empêche en rien d'autres de continuer à approfondir les questions fondamentales de ces pensées, l'idée des branches mortes c'est ce que l'on ressort le plus souvent pour critiquer Keynes (les néo-libéraux ayant profité de la non-adéquation entre ses théories et le premier choc pétrolier pour démonter le dogme keynésien et reprendre le "pouvoir", cependant si Keynes avait été vivant à cette période donnée, il n'aurait pas appliqué de manière abrupte et stupide un plan de relance donné quelle que soit la situation économique) ou Marx (Marx avait tort, finalement les ouvriers ne se sont pas paupérisés, regardez les trente glorieuses... Bon là la question est différente, c'est juste que Marx étant mort, personne n'est là pour arguer que ses théories sont toujours aussi valides mais à une plus grande échelle, la paupérisation croissante s'étant abattue non pas sur les travailleurs des pays développés mais à travers toute la planète sur les travailleurs des pays du tiers monde et autres colonies).

Bref, ce qui m'intéresse n'est pas ce que je viens de dire mais le fait que ces branches que tu dis mortes ne le sont pas pour autant selon moi, quand je parle de Marx par exemple, il ne faut pas le voir comme une branche originelle, il n'a pratiquement rien inventé, le cœur de son discours est celui qui a été développé par des auteurs comme Baboeuf et Robespierre, qui est remonté dans les mouvements ouvriers anglais du début du dix-neuvième siècle grâce à des intellectuels comme Bronterre O'Brien, qui se sont accaparé ces pensées et les ont remises au goût du jour, et par là même les ont transmises à Engels et à Marx. La branche qu'a laissé derrière lui un grand auteur n'est en rien morte, c'est un matériau qu'il faut se réapproprier s'il est intéressant et adapter, faire évoluer, rendre toujours plus pertinent.

Tout est dit et l'on vient trop tard ? J'aurais tendance à dire oui, enfin dans le domaine philosophique. Selon moi la philosophie ce n'est pas un affrontement entre une pluralité d'opinions ou de points de vue ; ce n'est rien d'autre qu'un affrontement entre deux conceptions antinomiques du vivant, de l'homme, entre les essentialistes et les existentialistes (autrement dit soit l'homme est ce qu'il est à la naissance, le reste n'ayant qu'une influence mineure sur lui, soit l'homme n'est que le fruit d'une multitude de facteurs de faits sociaux, une feuille blanche, une poupée de chiffon dont on pourrait faire tout et n'importe quoi).
En ce sens-là oui, tout a été dit, les deux grandes branches sont là, fixes, instituées, établies devant nous, quelque branchiolles bâtardes traînent entre elles parmi lesquels on pourrait retrouver certaines théories de l'homme comme celle de Platon qui considérait le milieu comme prééminent à ce que devient l'homme mais bon, il existait des différences entre les âmes des gens, si elles étaient supérieures, ils seraient amenés à faire de grandes choses, soit en bien soit en mal, si elles étaient inférieures, il ne seraient amenés qu'à accomplir de petites actions en bien ou en mal.
Les Grandes Branches sont là, tout est dit, mais ce n'est pas pour autant que tout ce qui a été dit est vrai, absolu, beaucoup de choses méritent d'être revues, corrigées, étudiées sous l'angle des progrès important des sciences modernes...

Bref, trêve de digressions, j'ai peur qui plus est d'avoir peut-être dénaturé ta réflexion en l'extrémisant à outrance, étant donné la phrase par laquelle se clôt ton texte.


~DjEzus~ le 28-10-2010 à 22:28
 

Pour revenir sur un autre point : tu dis que "D'un certain point de vue, il faudrait laisser leur chance aux humains, afin qu'ils puissent s'exprimer à propos de tout, sans être influencés par les anciens raisonnements, de manière à, peut-être, apporter une vision nouvelle, des idées non exploitées... Et l'on sait combien il est compliqué de se sortir de ce qui nous influence inconsciemment."

En dehors du fait qu'effectivement, on est forcément influencé, ne serait-ce que biologiquement par notre environnement, je ne pense pas que ce serait très constructif de ne tenir compte de rien de ce qui a déjà été fait, réfléchi et travaillé par les autres. En effet, cela obligerait chacun à tout repenser depuis le début, et donc la pensée mettrait beaucoup plus de temps à évoluer. Les gens referaient sans cesse, mais sans le savoir, un cheminement pas forcément identique en tous points, mais probablement très semblable, sans avoir le temps d'aller beaucoup plus loin que les autres.

Tandis que le fait de pouvoir s'appuyer sur les réflexions déjà faites par les autres constitue une richesse énorme. A condition, bien sûr, d'apprendre à les utiliser à bon escient, et de ne pas en rester l'esclave, mais juste de s'en servir comme tremplin vers des idées nouvelles, ou plus approfondies. Et tout cela s'apprend.

Évidemment, la méthode d'apprentissage de l'école française étant prévue pour des groupes et non des individus, alors que la pensée est propre à chacun, n'est pas forcément la mieux adaptée pour apprendre cela, mais il faut voir que ce n'est pas nécessairement son but non plus.

D'où l'utilité, effectivement, de lire, de se documenter par soi-même, de discuter avec des gens à la pensée exacerbée... Bref, de trouver et de se donner les moyens d'apprendre à réfléchir par soi-même, et de faire la part des choses entre nos valeurs, nos convictions, nos opinions et celles énoncées par d'autres.


~Timthéobald Ex Mattzigmaël~ le 31-10-2010 à 12:28
 

Je suis bien contente que vous ayez chacun pris le temps de répondre à cet article. Et je sais que cela fait maintenant quelques mois, et je m'excuse d'avoir mis de côté l'écriture durant cette période...
Vous avez tous les deux énormément apporté à mon texte et à ce débat. Mais je crois m'être sans doute mal exprimée. Ce qui fait que vous avez sauté directement sur ce qui vous a fait tiqué, en oubliant le reste. Du fait de ma maladresse à ne pas mettre en avant ce que je pense réellement, je n'en doute pas.

J'aurais sans doute dû commencer différemment, en présentant la problématique comme suit :
1) L'homme est un animal social ; ex: un bébé meurt s'il se retrouve seul dès sa naissance.
2) L'homme est influencé du fait de sa sociabilité ; ex: cercle familial.
3) L'homme apprend les règles qui régissent son environnement, les interdits, ses droits, ses devoirs, et les grands axes de compréhension du réel, par le biais de son entourage familial, éducatif et social.
4) L'homme éduqué a une vision du monde PRE-MACHEE : il ne peut se défaire totalement de son éducation et des influences qui ont pesées sur lui, car son imagination est limitée, tout comme son entendement global du réel... Il devient donc prisonnier de son environnement, et ne peut au grand maximum que s'appuyer sur ce qui a déjà été fait pour le rédiger à sa sauce, effectuer des parallèles, construire des ponts ou en briser, l'actualiser... (Je place là dedans la majeure partie de la "créativité" humaine).
5) Le seul moyen de contrer cela, ce n'est pas de ne plus apprendre, parce que, plus on apprend, plus on a de matière à faire des "collages métissés", et donc plus innovants, plus résistants. Le moyen, c'est de changer de point de vue. De prendre conscience de tout ce que je viens de dire, et de décider de consigner ses pensées à propos de choses qui nous tiennent à cœur, de façon à pouvoir y revenir plus tard, et de préférer s'appuyer là-dessus pour la création d'un tableau original, influencé plus moindrement que s'il s'était s'agit d'un collage composé de réflexions ne nous appartenant pas du tout.
6) Nous ne pouvons pas lutter contre ce que nous sommes. Mais apprenons à nous connaître pour savoir quelles sont nos options dans la vie... C'est la différence entre l'optimisme, et le pragmatisme.

En espérant ne pas avoir assombri mes propos, je vous enjoins à relancer les débats si le cœur vous en dit, parce que je connais une jeune personne qui, à l'autre bout de la planète, n'attend que de pouvoir jouer à réfléchir avec nous...


~Liam d'Ovalis~ le 25-01-2011 à 23:27
 
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