Lazare, Bernard, premier défenseur de Dreyfus
Charles Péguy voyait en lui "un prophète" et disait qu'il lui revenait "l'honneur d'avoir fait l'affaire Dreyfus".
Bernard Lazare, le premier artisan et le plus déterminé défenseur du Capitaine Dreyfus condamné pour avoir prétendument trahi la France, a pourtant été longtemps gommé de l'Histoire. Il est vrai qu'il disait lui-même : " Je ne suis orthodoxe en rien ", qu'il était anarchiste dans l'âme (mais résolument non violent) et que partout où ce journaliste écrivain combattait, il était un marginal qui refusait d'être " caporalisé ".
Né en 1865 à Nîmes, il " monta " à Paris en 1886 pour y devenir écrivain, et de fait, ses oeuvres s'inscrivent dans la mouvance Symboliste. Il entra en journalisme, s'imposa aussi comme critique littéraire coté et... féroce, quand naquit ce qui n'était pas encore " l'Affaire " fin 1894.
Le capitaine Alfred Dreyfus avait été condamné à la déportation à vie, à l'issu d'un procès de 4 jours en décembre 1894. Et c'est Mathieu Dreyfus qui, en février 1895, contacta Bernard Lazare, dont la pugnacité était légendaire, pour défendre son frère innocent. Lazare avait déjà compris que non seulement Dreyfus était innocent, mais qu'il avait été condamné en tant que " Juif ".
Bernard Lazare consacra l'essentiel de son temps et de son énergie à réunir les preuves de l'innocence de Dreyfus. Sa première brochure ("Une erreur judiciaire - La vérité sur l'affaire Dreyfus") parut à Bruxelles fin octobre 1896 (il y en aura plusieurs autres que Lazare a augmentées au fil de ses enquêtes). Lazare n'en resta pas là. Il se transforma en commis-voyageur et rencontra tout ce qui comptait en politique et parmi les intellectuel, Zola compris, afin de les convaincre et de les rallier à la cause de Dreyfus. Il sema des doutes mais n'obtint pas dans un premier temps les appuis décisifs qu'il espérait. N'empêche, son travail fut gigantesque et décisif. Charles Péguy dira même qu'il lui revint l'honneur d'avoir fait l'affaire Dreyfus.
Il faudra le retentissant " J'Accuse " d'Emile Zola, publié à la une de l'Aurore le 13 janvier 1898 pour que l'Affaire prenne un tour plus que déterminant au yeux du grand public en particulier. Or, ce " J'Accuse " n'est pas l'invention du seul Zola : durant l'été 1895, Lazare avait écrit un premier texte en défense de Dreyfus dans lequel il demandait la révision du procès de son procès. Cependant, ce texte ne répondait pas à ce que désirait la famille de Dreyfus et fut écarté. Peut-être était-il trop violent à leurs yeux : Lazare ne démontait pas seulement l'accusation, il désignait aussi nommément les coupables, ministres et hauts responsables de l'Armée, les accusant les uns après les autres, et il terminait en embrayant sur une litanie de " J'accuse " qu'il donnera, un peu plus de deux ans plus tard, à Zola qui la fera passer à la postérité.
Lazare était sioniste mais comme toujours, à sa façon, qui n'était pas celle de Théodore Herzl. Il a enquêté en Roumanie et dénoncé l'antisémitisme virulent dont y étaient victimes les Juifs.
Il s'engagea pour défendre les ouvriers de Carmaux, dont il dénonça les effroyables conditions de travail, pour les anarchistes emprisonnés, et pour les Arméniens déjà persécutés par les Turcs en 1902.
Comme Bernard Lazare ne cherchait pas à plaire mais à défendre la justice et la vérité, sans compromis, il ne plut pas, en effet. Et on le mit à l'écart.
Il mourut en 1903, à 38 ans, rongé par un cancer, trois ans avant la réhabilitation de Dreyfus.
Depuis juin 2003 - année du centenaire de sa mort - une petite place du 3arrt de Paris porte désormais son nom.
Site Bernard Lazare :
http://c.sandrel.free.fr
Site Dreyfus (Société Internationale d'Histoire de l'affaire Dreyfus)
http://www.sihad.com
~Deborah Bernard~
Publié le : 16/04/2006
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