Apocalypse et Eschatologie...

Une vision particulière de l'histoire.


C'est la littérature de révélation dont les contenus, les courants (les communautés qui les produits, les vit) caractérisent le judaïsme du -IIe au + 2e en particulier. C'est durant cette période qu'il a connu son grand développement. Par la suite, les mouvements millénaristes ont à leur tour développé leurs propres apocalypses mais à partir des textes bibliques.

En grec : apokalyptein : dévoiler, révéler ; apokalypsis : révélation

Historiquement, ce phénomène débute avec la révolte maccabéenne. Mais avant il y a des écrits prophétiques bibliques qui préparent le terrain. Au fond, c'est une littérature de crise. Cette période (-IIe ; +IIe siècle) est très difficile, d'abord car il y a une longue frustration due à la condition de vie misérable du retour de l'Exil. De plus, il n'y a eu aucune restauration de l'indépendance nationale (l'Israël est sous domination Séleucide puis Romaine) et les voisins sont hostiles. A cela s'ajoutent une crise économique et une rivalité entre ceux qui reviennent de Babylone et les gens du pays (qui se sont installés et se sont approprié les maisons, les champs...de ceux qui sont partis). Les clivages sociaux sont de plus en plus forts, surtout pendant la période grecque, ce qui conduit à une forme d'opposition à tous les pouvoirs politiques du moment (car le pouvoir et le pouvoir local, les prêtres, se sont déconsidérés). Se produit alors une fuite dans l'utopie et une eschatologie .

Il faut également souligner que c'est une littérature " marginale ": en général, les auteurs de ces oeuvres (communautés ou individus) sont en rupture avec la société, ce qui est le cas pour la communauté des Esséniens de Qûmran, par exemple. Ces communautés sont en rupture avec le pouvoir et les institutions en place. Cela est particulièrement visible avec la dynastie hasmonéenne (Le pouvoir et la charge pontificale sont usurpés par des frères non issus des familles pontificales et très influencés par l'hellénisme). Ces communautés se considèrent comme pures, la Torah est appliquée à la lettre...

De ce fait, il s'agit en fait d'une attente de la restauration : du peuple d'Israël sur la terre, de la monarchie, du culte, de la gloire, ... et surtout, l'Exil à Babylone a conduit un report sur Dieu de la qualité royale. Par conséquent, il faut bien qu'un jour cette royauté se manifeste : Intervention de Yahweh, le Jour de Yahweh (le be'saharît ha-yamîn = l'après des jours prend peu à peu le sens plus précis de la fin des jours) et donc la fin des Jours.

Les ouvrages concernés par cette littérature sont Hénoch, oracle sibyllin, Esdras, Ezéchiel, ...
Il y a en fait souvent des passages apocalyptiques dans les écrits religieux, mais cela ne concerne pas tout l'ouvrage, et c'est la même chose chez les chrétiens : il y a quelques fragments apocalyptiques dans les Évangiles.

Caractéristiques littéraires

Ce sont tous des écrits pseudépigraphes (attribué à un auteur célèbre). Il s'agit d'exploiter un élément de la tradition concernant ces personnages, Hénoch par exemple a été enlevé dans le ciel par les anges (Genèse 5, 24).
Ils se présentent tous comme des visions. Le visionnaire rencontre dans sa vision un ange qui lui fait le commentaire de ce qu'il voit. Ces visions et leurs explications sont souvent faites dans un langage énigmatique (symboles, images, quelque chose de codé qui souligne le caractère ésotérique). Lorsqu'il s'agit d'événements futurs, on a toujours recours à la prophétie post aventum.
Par exemple : Daniel (qui est censé vivre en Mésopotamie) raconte les événements de la révolte maccabéenne que le véritable auteur a vus. Puis dans le vrai futur (les événements que le véritable auteur n'a pas encore vécus), on passe à la description de la fin des temps.
Il y a en plus de ces visions des discours parénétiques : des discours d'exhortation, où l'on enseigne.
Ces Écrits sont composites. Ils n'ont pas été écrits d'un seul jet, ils sont souvent écrits par différents auteurs (cela est particulièrement clair pour le livre d'Hénoch, la superposition n'est même pas articulée).

Variante
On a souvent affaire à une reprise d'écritures anciennes sous forme d'interprétation visionnaire, et ces visionnaires ont accès à une littérature céleste, ce qui est caractéristique d'une culture de l'écrit. On a une vision des temps et de l'histoire réparties en temps (jubilés, succession d'empire, ère, ...) préétablis. De plus on remarque une angélologie très développée : l'interprète, et les anges acteurs de la vision (armée des anges, ...) : cela est particulièrement important dans la secte de Qûmran. Il y a enfin une répartition dualiste des êtres (y compris des anges) qui se retrouve dans l'histoire et les événements de la fin.

L'attente des événements eschatologiques est exacerbée : on n'en peut plus d'attendre. On trouve trois éléments :

  • Renversement de l'ordre social (exaltation des humbles) ;
  • Catastrophe(s) qui met(tent) fin à ce monde et qui annonce(nt)le monde à venir (olâm : le monde qui vient) ;
  • Le Salut, la restauration du peuple élu.

La réalisation de cette espérance se fait dans une guerre, un combat. On attend un médiateur : le Messie, qui peut être de différente nature (humain, ange, roi, prêtre, ...). Cette communauté eschatologique apparaît comme une projection idéalisée du groupe producteur de l'apocalyptique. Qûmran a la conviction d'être cette communauté d'élus.

Origines de cette littérature : des textes prophétiques anciens sont exploités et utilisés en les développant. Par exemple à Esaïe, au chapitre 6, une vision du prophète de Dieu est décrite, il est assis sur le trône dans le Temple. (En gros, Yahvé, assis sur un trône, voix qui fait trembler, fumée, plein d'anges, le temples se remplit de fumée). Cet écrit date du -VIIIe siècle. Ézéchiel, 150 ans plus tard, reprend cette vision et la développe (voir Ez 1. En résumé : seulement la description du trône, qui va dans les 4 directions à la fois, avec les séraphins, feu et grande clarté, ... ce qui symbolise son omniprésence, ...).

Des influences étrangères s'introduisent également dans le judaïsme à la faveur des diasporas. Il y a une discussion éternelle pour savoir si l'angélologie, les périodes du monde symbolisée par des métaux, etc. sont d'influence perse. C'est une question difficile à résoudre, cela a pu également être l'inverse, c'est-à-dire une influence juive sur le milieu perse.

Autre source d'influence, proprement mésopotamienne : des textes prophétiques ont été retrouvés en Mésopotamie, dont certains ont une influence eschatologique très nette.
Env. -500 (avant l'eschatologie et l'apocalyptique juive) : sous Darius, en akkadien, une prophétie d'Uruk a été écrite, qui évoque une succession de règnes jusqu'à un règne glorieux. On y lit une prophétie post aventum puis la véritable prophétie : un roi juste se lève, retour au temps originel où la royauté venait des dieux...

Autre influence sur cette histoire : les scribes inspirés dont on trouve des modèles dans la Bible.

Par exemple, l'histoire de Joseph dans la Genèse. Joseph sait interpréter les rêves : il sert de modèle à Daniel (Dan 1, 6) : il est un jeune juif d'origine noble qui est dans une cour étrangère (récit de diaspora). Il a la capacité d'interpréter les songes.
Dans Joseph, le roi a deux rêves et personne n'est capable de les interpréter.
Dans Daniel : le roi Nabuchodonosor demande le rêve et son interprétation : il y a une surenchère sur la capacité du devin.
Ces personnages apparaissent comme le type même du scribe inspiré, et Daniel apparaît également comme un visionnaire inspiré (dans la deuxième partie) : c'est un véritable récit apocalyptique. Le premier chapitre explique comment il a été envoyé dans une école de devin, où il surpasse ses professeurs (inspiration divine).

  • > Les visionnaires sont aussi des savants : cela est compliqué d'un point de vue littéraire car on trouve beaucoup de références aussi bien dans la littérature juive que dans la littérature étrangère.

 
 
~jamesB~ Publié le : 12/04/2007

 

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