Le Brouillon
Tiens, d'ailleurs, ça me fait penser : dans mes études de psychologie, on voit de nombreuses théories, notamment sur le développement de l'homme, et là-dessus, tous les psychologues s'accordent à dire que l'enfant croit "créer le monde qui l'entoure" pendant une période non négligeable...
Ce qu'on essaie d'interroger ici, c'est exactement pourquoi on perd cette capacité de croire ça avec l'âge... Et ce qu'on essaie de nous faire croire, c'est que les bébés ont raison... L'évolution va pourtant bien dans le bon sens, pourquoi on irait dans le mauvais ?
~Kikouk~ le 06-03-2009 à 16:58
Pour poursuivre dans la discussion sur l'existence d'un monde indifféremment ou non de l'attention humaine, je me réfère à Bertrand Russell qui a prouvé l'existence de la matière. Je me souviens de deux exemples :
* imaginez une table ; et maintenant une nappe sur cette table, si longue qu'elle ne cache les pieds. On ne voit donc plus la table, elle n'existe donc plus. Et pourtant la nappe reste là, flottant dans l'air et gardant exactement la même forme que si la table l'eût supportée... Bizarre quand même si ce n'est que justement une table la soutient.
* ensuite un chat ; si dès qu'on ne le regarde pas il cesse d'exister, comment peut-il continuer à grandir, avoir faim, se déplacer...? Comment un temps passé en état de non-existence et un temps véritablement vécu peuvent-ils donner tous les deux aussi faim ?
@kikouk : tu as lancé un sujet très intéressant sur la saillance d'un objet que l'on identifie par rapport à un que l'on n'identifie pas. Je pousserai plus loin : un objet/concept peut-il exister s'il n'a pas de nom ?
Les échanges sont très intéressants sur ce sujet ! J'apporte une modeste pierre à cet édifice grâce à une citation, ou plutôt une définition : Un étudiant a demandé à Philip K. Dick de donner sa définition de la réalité. On retrouve cette définition dans son livre SIVA. Pour rappeler un peu le contexte et le style de l'écrivain, Philip K. Dick a écrit de nombreuses histoires où la frontière entre réalité et fiction est très mince, le lecteur tout comme le "héros" se perd constamment entre les deux.
Voici donc sa définition de la réalité : "la réalité, c'est ce qui continue d'exister lorsque l'on cesse d'y croire."
Cela rejoint l'intervention de chachac.
~jamesB~ le 06-03-2009 à 19:40
Je n'ai pas très bien compris avec les bébés Kikouk... Tu peux développer ? Je trouve ça intéressant.
~LESTAT~ le 06-03-2009 à 21:35
Je pense qu'il a voulu dire que chez l'enfant en bas-âge, le monde et lui-même ne font qu'un. Il pense que tout vient de lui, que tout n'est que conception de son esprit.
Cela doit être une période très belle dans la vie d'ailleurs, lorsque la réalité et le rêve ne font qu'un (dans une alliance rappelant le crépuscule, où la terre et le ciel s'unissent enfin).
Une conception certes, un peu simpliste mais qui me semble juste est aussi à considérer.
Celle du juste milieu. Notre conception subjective du monde repose sur une réalité objective.
C'est-à-dire que notre esprit perçoit un certain plan de la réalité, et qu'à partir de cette base commune à tout être sensible, repose des sensations relatives à chacun.
C'est comme si la terre était commune à tous, mais que l'esprit peut y planter des graines et y faire pousser des conceptions différentes.
Je rajoute que la limite à saisir la réalité est la même que celle de notre sensibilité.
Merci Tao Master pour ta précision.
~LESTAT~ le 07-03-2009 à 00:17
Oui voilà, l'enfant a l'impression de créer ce qui lui arrive, parce qu'il confond le monde avec lui-même, il n'a pas de "peau" qui sépare son être intérieur du monde extérieur.
Ainsi, quand il a faim, il voit apparaître le sein de sa mère pour le nourrir. Et c'est tellement en adéquation avec son envie qu'il a l'impression que dès qu'il a faim, le sein se crée exprès pour lui, il a un sentiment de toute puissance qui en résulte, et il pense que c'est son envie (sa faim) qui a créé le sein qui le nourrit... (Cf la préoccupation maternelle primaire et tout le reste de l'oeuvre de Winnicott pour plus de précisions. ;))
@Chachac : ça mériterait presque un sujet à part, qu'est-ce que t'en pense? La question est très intéressante... Même si à vue d'oeil elle paraît évidente, après avoir développé ainsi le sujet ici, on voit bien tout ce qui se cache derrière...
~Kikouk~ le 07-03-2009 à 10:49
Merci Kikouk très intéressant le "monde" vu par les bébés...
Et Chachac c'est vrai que cela ferait un débat (sujet) passionnant !
~LESTAT~ le 07-03-2009 à 13:53
Mais si le bébé arrive à se créer "son petit monde", pourquoi nous plus tard nous n'y arrivons pas ?
Parce que nous avons cette possibilité en nous, et ce, dès notre plus jeune âge....
~LESTAT~ le 15-03-2009 à 14:38
Parce qu'il y a ce qu'on appelle en psychologie le "principe de réalité"...
En gros, cette vision des choses se confronte à ce qu'on perçoit, à ce qu'il en est réellement, et elle en est obligé de changer, parce qu'elle n'explique pas tout, il y a de trop nombreuses incohérences, et quand il y a trop d'incohérences, on change de théorie. Du coup, on va penser que le monde est extérieur à nous, et indépendant de nous.
L'enfant va se rendre compte qu'au bout d'un certain temps, la mère étant un peu fatiguée de se conformer toujours aux désirs de son enfant (ou n'ayant tout simplement plus de congé parental), il va falloir qu'il attende avant d'être satisfait, alors que si ça ne tenait qu'à lui, il créerait ce dont il a besoin tout de suite...
D'ailleurs, ça peut être aussi quelque chose qu'on rétorque à cette théorie : pourquoi nous ne pouvons créer ce que nous désirons voir et être persuadé que ça existe autrement que dans des situations extrêmes où sans ça on ne survivrait pas (les hallucinations, en fait) ? Ou dans des maladies mentales avérées, comme la schizophrénie ?
Ceux qui croient ça, on en connaît, mais il est avéré que ce n'est pas quelque chose de positif...
~Kikouk~ le 15-03-2009 à 19:11
Ok et imaginons qu'on laisse ce bébé dans son environnement qui lui plaît le mieux.
Que se passerait-il ?
Pour en venir aux hallucinations et à la schizophrénie, cela peut-il être la perception d'un "autre" monde ou d'une manière de le "voir" autrement ?
Ce ne sont peut-être pas des maladies, on dit ça mais qu'en savons-nous ?
Quand on ne comprend pas une chose on en a peur, et cette peur nous empêche peut-être de voir une "autre réalité"...
C'est un peu fou ce que je dis mais je me pose des questions c'est tout...
~LESTAT~ le 18-03-2009 à 03:33
Pour le coup des schizophrènes, je suis à peu près d'accord, je me suis déjà dit la même chose. Mais même s'ils ont en eux une autre vision du monde, tout aussi juste, juste parce que leur cerveau est différent, c'est un monde qu'il ne vaut vraiment mieux pas connaître. Personne n'aurait envie d'avoir des voix qui lui disent de tuer un inconnu juste parce que dans son monde, celui-ci est dangereux pour lui, alors que pour quiconque d'autre, il n'a rien fait, et que si on laissait les choses se faire, il ne ferait rien non plus (d'ailleurs, on tient autre chose : on peut laisser les choses se faire, et elles se font quand même, malgré nous).
Et justement, on en arrive à ta deuxième question, sur le bébé... On ne peut tout simplement pas le faire. C'est bien malgré nous qu'on n'arrive plus à contenter le bébé, c'est bien parce qu'il a des exigences de plus en plus grandes, auxquelles son monde ne peut plus subvenir, qu'il change de vision.
Avoir cette vision, même si elle peut être juste, ne peut pas tenir, et on voit qu'une autre vision est plus acceptable pour nous, moins coûteuse en douleur et en incohérences... On n'est pas capable de se créer un monde parfait...
~Kikouk~ le 18-03-2009 à 10:19