Le Brouillon




Résumé :

New York, ville désormais recouverte d’un dôme à oxygène ; Norman House est un Afro-américain travaillant pour la toute puissante GT, entreprise américaine projetant d’acheter tout bonnement, et de "civiliser" le Béninia, petit pays d’Afrique disposant, bien sûr, d’importantes ressources minières.
Dans le même temps, Donald, son colocataire, est "réactivé" par les services secrets après 10 ans de stand-by, pour aller vérifier au Yatakang, archipel asiatique, si le généticien Sugaiguntung a réellement pu optimiser les embryons humains...


Tous à Zanzibar est découpé en plusieurs "tranches" de lecture, correspondant aux chapitres traditionnels ; ainsi on alterne la partie "Contexte" qui donne des informations générales sur l’univers dans lequel évoluent les personnages, afin qu’on s’en fasse une idée générale ; "Le monde en marche" ressemblant à une chaîne d’informations en continu, avec des news, des bouts de dialogue, des enchaînements d’idées ; "Jalons et portraits" qui décrit de brèves tranches de vie sur des habitants quelconques, des « échantillons » de vie ; avec, enfin, "Continuité", qui reprend le fil du récit avec nos deux principaux héros.

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Critique :


Écrit en 1969, les composants de Tous à Zanzibar nous apparaissent tristement actuels :

On retrouve, comme chez Asimov, un ordinateur supra intelligent, Shalmaneser, (propriété de la toute puissante GT) qui a tout loisir de diriger l’évolution de la société sur des critères pré-établis.
La dépendance de la technologie et des machines de la société moderne est avérée, a contrario avec le Béninia, pays pauvre d’Afrique.
Une longue tirade de Chad Mulligan (sociologue misanthrope qui tente désespérément de faire réagir ses concitoyens) illustre l’état de "vivre" : perte de la propriété privée, (colocations forcées, au vu du prix du logement), perte de repères, perte de l’intimité (surpopulation) : l’homme est esclave de la société.
Seuls les pays n’ayant pas de structure sociétale avancée sont encore des refuges pour l’humanité en tant que telle.

Brunner anticipe également le choix du sexe de l’enfant, puis le choix de ses capacités intellectuelles.
Le thème de l’eugénisme est central : on "trie" les daltoniens, les hémophiles, les diabétiques...

La drogue et des tranquillisants, support banalisé de cette société décadente, que tout le monde prend pour supporter la promiscuité, et pour ne pas tomber dans l’amok, folie meurtrière qui touche de plus en plus de monde...

L’omniprésence des médias, le rabattage publicitaire incessant, appuyé par l’existence des "Jesuispartout", simulation de deux personnages, qui reflètent votre identité, voix, et parcourent le monde à votre place, virtuellement, et accessoirement réfléchissent pour vous.

Si l’on rajoute le problème de la pollution, le culte de l’apparence, l’approche de la mort (taboue en occident), on a un bon concentré des thématiques abordées par Brunner.


Enfin, la question qui selon moi est essentielle : l’évolution de l’homme ; quelle évolution possible stimulée par l’homme lui-même, mais qui n’engendrerait pas de dérives ?

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Livre fascinant, étonnant, terriblement dérangeant (de par le fond, mais aussi par la forme), atypique ; SURTOUT, ne pas se laisser abattre par les premières pages, qui peuvent rebuter par leur aspect saccadé, sans cohérence ; faites-vous violence, allez au bout !
Impossible de regretter, le livre de Brunner est splendide. Il est criant de vérité, on proteste intérieurement, on essaie de se convaincre que non, c’est pas comme ça, on voudrait jeter le livre par la fenêtre parce qu’il est agaçant d’avoir toujours raison.

Bref, à lire.

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Extraits :


EXPLOSION DEMOGRAPHIQUE : évènement unique dans l’histoire humaine. C’est arrivé hier, et tout le monde dit que c’est pour demain.

NEGRE : membre d’un sous-groupe de la race humaine, venant, ou dont les ancêtres sont venus, d’un bout de terre surnommé – mais pas par ses habitants – Afrique. L’Africain est supérieur à l’Aryen en ceci qu’il n’a inventé ni l’arme atomique, ni l’automobile, ni le christianisme, ni le gaz de combat, ni le camp de concentration, ni la maladie militaire, ni la mégalopole.
(Chad C. Mulligan, lexique de la délinquescence.)


John Brunner, Tous à Zanzibar, P118. Editions Le Livre de Poche.


Extrait :


"Quelques théoriciens de la société estimaient que l’homo urbanicus était à présent en situation d’équilibre instable. Le dos du chameau où reposait sa rationalité était à la merci d’un seul brin de paille. Les gens commençaient à le ressentir, disaient les théoriciens, mais, comme les pourceaux de Gadara fouissant et grognant au sommet de la colline surplombant la mer, ils n’hésitaient pas, ignorant toute autre possibilité réelle, à s’entasser de plus belle dans les villes déjà surpeuplées.
Dans des pays comme l’Inde, il n’y avait pas le choix. On mourait de faim moins vite dans les villes parce que la population était plus près des points de distribution des rations de survie ; la léthargie provoquée par la faim atténuait les frictions et raréfiait les flambées de violence. Mais les populations européennes et américaines pouvaient être précipitées du jour au lendemain dans l’abîme, sans autre symptôme avant-coureur de la chute que l’agressivité diffuse qui expliquait la présence, dans les poches de chaque homme, d’un tube de tranquillisants."


John Brunner, Tous à Zanzibar, P201. Editions Le Livre de Poche.



*****Vous l'avez lu ? Venez nous en parler !******


~Melaquablue~ le 20-04-2009 à 09:00
 
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