Le Brouillon




Synopsis

Dans un monde où la Méditerranée est morte, où les grands lacs ont disparu, où l’espérance de vie se réduit à peau de chagrin, où les maladies sont légion et où l’on a une chance sur cent d’avoir un enfant sans malformation ou maladie chronique, la vie de quelques personnes va être chamboulée, surtout depuis que la firme Bamberley a envoyé en Afrique des vivres empoisonnés provoquant la folie...
Austin Train avait prévu que le monde tournerait mal, que la pollution et la destruction de l’environnement causerait de graves problèmes, mais personne ne l’a écouté...


Critique

Autre volet de sa suite d’avenirs à éviter, Brunner traite ici des problèmes écologiques (et des problèmes sociaux en découlant) poussés à l’extrême : eau potable un jour sur trois, nourriture "bio" hors de prix, tremblements de terre à répétition, soleil disparu derrière les nuages depuis longtemps (et non réapparu depuis), mers empoisonnées et polluées, air respirable avec masque uniquement, maladies en pagaille...

Les trainites, écolos enragés et extrémistes, se réclamant d’Austin Train, et allant même plus loin, fustigent les firmes continuant à faire du profit sur le dos de l’Afrique (mais envoyant tout de même des vivres dans le tiers-monde pour s’acheter une respectabilité), tandis que les épidémies se suivent et ne se ressemblent pas : brucellose, typhus, entérite, syphilis... Si l’on y ajoute la loi martiale, les attentats au napalm, Brunner dépeint un univers où l’on ne voudrait surtout pas tomber par hasard.
Chaque page ou presque décrit une catastrophe, individuelle ou collective, vision extrêmement pessimiste et sans issue.

Il souligne le problème toujours d’actualité des produits chimiques, de leur sur-représentation dans l’environnement au sens global (y compris et surtout dans l’industrie agro-alimentaire). On parle déjà également de nourriture bio, comme quoi ce n’est pas d’aujourd’hui... Le livre datant de 1972...


Le titre n’est pas anodin : le thème du "moutonnage", ou comment le peuple a la mémoire courte concernant ses dirigeants, est clair et limpide, surtout à la fin du roman ; à son habitude, avec un style incisif et percutant, l’auteur nous inflige quelques claques au passage, comme si la réalité décrite n’était pas assez foudroyante.


Brunner ne donne ici aucune solution, aucune idée miracle pour éviter ce futur possible, aucune issue au problème écologique qui se dessine, ayant atteint dans le roman son paroxysme. Il fait uniquement un constat, et nous incitent à réaliser que certaines actions mènent à un avenir qu’il vaudrait mieux éviter...



Extrait

« Mais » - le harcela-t-elle – « qu’est-ce que vous avez fait aux gens qui s’intitulent les trainites et qui tuent, détruisent et de manière générale se comportent comme ce que vous appelez une armée, une horde de fous furieux ?
- Rien du tout. Je ne suis pas plus responsable de leurs actions que Jésus ne l’était du comportement des Chrétiens, sur qui saint Paul de Tarse projetait ses propres névroses. »
A ajouter à la liste des personnes offensées : les Eglises. Et ce n’est pas fini, sans doute !
« Ainsi, vous désapprouvez leurs actions de terrorisme ?
- Je désapprouve la situation qui a poussé des gens à de tels actes désespérés. Il existe, cependant, ce que l’on appelle la colère légitime.
- Vous pensez que leur colère est légitime, alors que tout ce l’on peut voir derrière elle c’est l’anarchie, le nihilisme, un univers où la main de chaque homme se lève contre son frère ?
- Pas contre son frère. L’homme qui a été intoxiqué par les additifs qu’Universal Mills met dans ses aliments sait très bien qui est son frère – un étranger, crevant de faim en Afrique parce qu’une guerre stupide a détruit son champ de maïs. Le frère de l’homme qui doit dépenser la moitié de ce qu’il gagne pour faire soigner son enfant malformé à la naissance est le paysan du Laos dont la femme est morte en expulsant un fœtus en faisceau. Non, certainement pas contre son frère. Contre les ennemis de son espèce. Qu’ils se trouvent être également humains – eh bien, c’est regrettable. Est-ce qu’une cellule cancéreuse dans votre foie ou dans vos poumons est pour autant la bienvenue sous prétexte qu’elle a été fabriquée par votre propre organisme ? »


Le Troupeau aveugle, John Brunner- éditions Livre de Poche SF, page 429.


Le plus : une écriture toujours incisive, voire cynique.

Le moins
: une trame de fond moins travaillée que Tous à Zanzibar ;moins entraînant.


~Melaquablue~ le 15-10-2009 à 09:54
 
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